Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ses voisines. Aux abords de la rivière, les quartiers sont très commerçants. Là, grand mouvement des vendeurs de vin, avec leurs outres gonflées comme des ballonnets, et des vendeurs d’eau, avec leurs récipients de peau de buffle, auxquels sont ajustés des tuyaux semblables à des trompes d’éléphants.

Puis me voilà errant à l’aventure. Errare humanum est, disent volontiers les collégiens de Bordeaux, lorsqu’ils musent sur les quais de la Gironde.

« Monsieur, me dit un bon petit Juif, en me montrant une certaine habitation qui me semble fort ordinaire, vous êtes étranger ?…

— Absolument.

— Alors ne passez pas devant cette maison sans vous arrêter un instant pour l’admirer…

— Et qu’a-t-elle d’admirable ?…

— C’est là qu’a demeuré le célèbre ténor Satar, qui donnait le contre-fa de poitrine… Et ce qu’on le lui payait ! »

Je souhaite à ce digne patriarche de donner un contre-sol encore mieux payé, et je remonte les hauteurs sur la droite du Koura, afin d’avoir une vue d’ensemble.

Au sommet de la colline, sur une petite place, où un chanteur déclamateur récite avec force gestes des vers de Saadi, l’adorable poète persan, je m’abandonne à la contemplation de la capitale transcaucasienne. Ce que je fais là, je me propose de le refaire à Pékin dans une quinzaine de jours. Mais, en attendant les pagodes et les yamens du Céleste-Empire, voici ce que Tiflis offre à mes regards : des murs de citadelles, des clochetons de temples appartenant aux différents cultes, une église métropolitaine avec sa double croix, des maisons de construction russe, persane ou arménienne ; peu de toits, mais des terrasses ; peu de façades ornementées, mais des balcons à vérandas, accrochés aux étages ; puis, deux zones très tranchées, la zone basse, restée géorgienne, la zone haute, plus moderne, traversée par un long boulevard planté de beaux arbres, entre lesquels se dessine le palais du prince Bariatinsky… Il y a là tout un relief in-