Ghangir, le fonctionnaire chinois s’est levé, il s’est incliné respectueusement devant le seigneur Faruskiar en disant :
« Que monsieur l’administrateur du Grand-Transasiatique daigne recevoir mes dix mille respects ! »
Administrateur, voilà donc ce qu’il est, ce seigneur Faruskiar ! Tout s’explique ! Pendant notre trajet à travers le Turkestan russe, il lui a convenu de garder l’incognito, comme fait un grand personnage en pays étranger ; mais, maintenant, sur les railways chinois, il ne se refuse pas à reprendre le rang qui lui appartient avec les égards auxquels il a droit.
Et moi, — en plaisantant, il est vrai, — qui me suis permis de l’identifier au pirate Ki-Tsang ! Et le major Noltitz qui passait son temps à le suspecter ! Enfin je voulais avoir « quelqu’un de marquant » dans notre train… je l’ai, ce quelqu’un, je ferai sa connaissance, je le cultiverai comme une plante rare, et, puisqu’il parle le russe, je l’interviewerai jusqu’aux moelles !
Bon ! Me voici complètement emballé, et à ce point que je ne puis m’empêcher de hausser les épaules, lorsque le major me murmure à voix basse :
« Après tout, c’est peut-être un de ces anciens chefs de bandes, avec lesquels la Compagnie du Transasiatique a traité pour s’assurer leurs bons offices ! »
Voyons, major, soyons sérieux !
La visite des voyageurs touche à sa fin, et les portes allaient s’ouvrir, lorsque le baron Weissschnitzerdörfer paraît. Il est affairé, il est troublé, il est inquiet, il est ahuri, il se démène, il s’agite fébrilement. Pourquoi se remue-t-il, se secoue-t-il, se baisse-t-il, se relève-t-il, regarde-t-il autour de lui, à la façon des gens qui ont perdu quelque chose de précieux ?…
« Vos papiers ? lui demande l’interprète en allemand.
— Mes papiers, répond le baron, je les cherche… je ne les ai plus… Ils étaient dans mon portefeuille… »
Et il fouille les poches de son pantalon, de son gilet, de son veston,