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moins vrai que les deux derniers wagons du train, le wagon funéraire et le fourgon de queue occupé par l’employé aux bagages, sont en détresse. Depuis combien de temps et à quelle distance ?… on l’ignore.

Il fallait entendre les cris des gardes persans, chargés de convoyer le corps du mandarin Yen-Lou, dont ils étaient responsables ! Les voyageurs, qui se trouvaient dans leur wagon et eux-mêmes ne s’étaient aperçus de rien au moment de la rupture. Lorsqu’ils ont donné l’alarme, il y avait peut-être une heure, deux heures, que l’accident s’était produit…

Du reste, le parti à prendre est tout indiqué : faire machine en arrière et rebrousser le train jusqu’aux wagons détachés.

Rien de plus simple, en somme. Mais, — ce qui ne laisse pas de me surprendre, — c’est l’attitude du seigneur Faruskiar en cette circonstance. En effet, c’est lui qui insiste de la façon la plus pressante pour qu’on agisse sans perdre un instant. Il s’adresse à Popof, au mécanicien, au chauffeur, et, pour la première fois, j’entends qu’il parle très intelligiblement la langue russe.

Au surplus, il n’y a pas lieu de discuter. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de rétrograder, afin de rejoindre le wagon du mandarin et le fourgon des colis.

Il n’y eut que le baron allemand qui tint à protester. Encore des retards… Sacrifier un temps peut-être long pour un mandarin… un mandarin défunt…

On l’envoya promener.

Quant à sir Francis Trevellyan, il haussait les épaules, il semblait dire :

« Quelle administration… quel matériel !… Voilà des choses qui n’arriveraient pas sur les chemins de fer anglo-indous ! »

Le major Noltitz est frappé comme je le suis de la singulière intervention du seigneur Faruskiar. Ce Mongol, d’habitude si calme, si impassible, avec son regard froid sous sa paupière immobile, il va, vient, en proie à une sorte d’inquiétude furieuse qu’il paraît incapable