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— Un maître, monsieur, un maître !… répond M. Caterna.

— Dont vous approchez…

— Respectueusement… très respectueusement ! »

Les bravos prodigués à M. Caterna n’ont pas eu le don d’émouvoir sir Francis Trevellyan, qui s’est dépensé en exclamations onomatopéiques à propos du dîner qu’il a trouvé exécrable. Il ne s’est point amusé, — pas même « tristement », comme ses compatriotes le faisaient déjà il y a quatre cents ans, ainsi que l’a remarqué Froissait. D’ailleurs, personne ne prend plus garde aux récriminations de ce gentleman grognon.

Le baron Weissschnitzerdörfer, lui, n’a pas compris un seul mot de ce petit chef-d’œuvre, et, eût-il compris, il n’aurait pu apprécier cet échantillon de la « monologomanie parisienne ».

Quant au seigneur Faruskiar et à son inséparable Ghangir, il semble en dépit de leur réserve traditionnelle, que les mines surprenantes, les gestes significatifs, les intonations cocasses de M. Caterna, les aient intéressés dans une certaine mesure.

Le trial l’a remarqué, et il est très sensible à cette admiration muette. Aussi, en se levant de table, me dit-il :

« Il est magnifique, ce seigneur !… Quelle dignité !… Quelle prestance !… Quel type de l’extrême Orient !… J’aime moins son compagnon… un troisième rôle tout au plus ! Mais ce superbe Mongol, Caroline, le vois-tu dans Moralès des Pirates de la Savane ?

— Pas avec ce costume du moins ! ai-je répondu.

— Pourquoi pas, monsieur Claudius ? Un jour, à Perpignan, j’ai joué le colonel de Montéclin de la Closerie des Genêts en tenue d’officier japonais…

— Et ce qu’il a été applaudi ! » ajoute Mme Caterna.

Pendant le dîner, le train a dépassé la station de Kastakos, située au centre d’une région montagneuse. Le railway fait de nombreux détours en franchissant viaducs et tunnels, — ce que nous reconnaissons au roulement tapageur des wagons.

Peu de temps après, Popof dit que nous sommes sur les territoires