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Au delà de Kokhan, nous allons prendre franchement vers l’est, et courir par Marghelân et Och, à travers les gorges du plateau de Pamir, afin de franchir la frontière turkesto-chinoise.

À peine le train est-il en marche, que les voyageurs occupent le wagon-restaurant, où je ne remarque aucun nouveau venu. Nous ne devons prendre d’autres compagnons de voyage qu’à Kachgar. C’est là que la cuisine russe fera place à la cuisine céleste, et, bien que ce nom rappelle le nectar et l’ambroisie de l’Olympe, il est probable que nous perdrons au change.

Fulk Ephrinell est à sa place habituelle. Sans aller jusqu’à la familiarité, il est visible qu’une étroite intimité, fondée sur la ressemblance des goûts et des aptitudes, existe entre miss Horatia Bluett et le Yankee. Nul de nous ne met en doute que cela finisse par un mariage à l’arrivée du train. Tous deux auront eu leur roman en chemin de fer… Franchement, j’aime mieux celui de Kinko et de Zinca Klork… Il est vrai, la jolie Roumaine n’est pas là !

Nous sommes entre nous, et par « nous », j’entends mes numéros les plus sympathiques, le major, M. et Mme Caterna, le jeune Pan-Chao, qui riposte par des plaisanteries très parisiennes aux calembredaines du trial.

Le dîner est gai et bon. Nous apprenons alors quelle est la quatrième règle formulée par Cornaro, noble Vénitien, dans le but de déterminer la juste mesure du boire et du manger. Pan-Chao a poussé le docteur à ce sujet, et Tio-King lui répond avec un sérieux véritablement… bouddhique.

« Cette règle est fondée, dit-il, sur ce qu’on ne peut déterminer une même quantité de nourriture proportionnée à chaque tempérament, à cause de la différence des âges, des forces et des aliments de diverses sortes.

— Et pour votre tempérament, docteur ? demande M. Caterna, que vous faut-il ?

— Quatorze onces de solide ou de liquide…

— Par heure ?…