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n’entends pas un traître mot. Mais je n’ai pas à craindre de rester bouche bée dans le Turkestan et le Céleste-Empire. Les interprètes ne feront pas défaut en route, et je compte bien ne pas perdre un seul détail de mon parcours sur le Grand-Transasiatique. Je sais voir et je verrai. Pourquoi m’en cacher ? Je suis de ceux qui pensent qu’ici-bas tout est matière à chronique, que la terre, la lune, le ciel, l’univers, ne sont faits que pour fournir des articles de journaux, et ma plume ne chômera pas en route.

Avant de visiter Tiflis, finissons-en avec la question des passeports. Par bonheur, il ne s’agit pas d’obtenir ce « poderojnaïa », qui était indispensable autrefois à quiconque voyageait en Russie. C’était alors le temps des courriers, des chevaux de poste, et, grâce à sa puissance, cet exeat officiel levait toutes les difficultés, assurait les plus rapides attelages des relais, les plus aimables gracieusetés des postillons, la plus grande vitesse des transports, à tel point qu’un voyageur bien recommandé pouvait franchir en huit jours et cinq heures les deux mille sept cents verstes qui séparent Tiflis de Pétersbourg. Mais que de difficultés pour se procurer ce passeport !

Un simple permis de circulation suffit aujourd’hui, — un permis attestant dans une certaine mesure que vous n’avez été ni un assassin ni même un condamné politique, que vous êtes ce qu’on appelle un honnête homme en pays civilisé. Grâce au concours que me prêtera notre consul à Tiflis, je ne tarderai pas à être en règle avec l’administration moscovite.

C’est l’affaire de deux heures et de deux roubles. Je me consacre alors tout entier, yeux, oreilles, jambes, à l’exploration de la capitale géorgienne, sans prendre de guide — je les ai en horreur. Il est vrai, j’aurais été capable de conduire n’importe quel étranger à travers les dédales de cette capitale si minutieusement étudiée par avance. C’est un don de nature.

Voici ce que je reconnais en allant au hasard : d’abord la « douma » qui est l’hôtel municipal, où réside le « golova » qui est le maire. Si