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qui brille invariablement sous la visière des casquettes moscovites.

« Je pense, dis-je, peut-être un peu trop vivement, qu’il n’est pas défendu d’aller à Bakou ?…

— Non, me réplique-t-on d’un ton sec, à condition que l’on soit muni d’un passeport régulier.

— J’aurai un passeport régulier, » ripostai-je à ce fonctionnaire farouche, qui, comme tous ceux de la Sainte Russie, me paraît doublé d’un gendarme.

Puis je me borne à redemander quelle est l’heure du départ du train pour Bakou.

« Six heures du soir.

— Et on arrive ?…

— Le lendemain, à sept heures du matin.

— À temps pour prendre le bateau d’Ouzoun-Ada ?…

— À temps. »

Et l’homme du guichet répond à mon salut par un salut d’une précision mécanique.

La question de passeport n’est point pour me préoccuper ; le consul de France saura me donner les références exigées par l’administration russe.

Six heures du soir, et il est déjà neuf heures du matin ! Bah ! quand certains itinéraires vous permettent d’explorer Paris en deux jours, Rome en trois jours, et Londres en quatre jours, il serait assez extraordinaire qu’il fût impossible de visiter Tiflis en une demi-journée ; et, j’entends voir « vison-visu ! » Que diable, on est reporter ou on ne l’est pas !

Il va sans dire que, si mon journal m’a envoyé en Russie, c’est que je parle le russe, l’anglais et l’allemand. Exiger d’un chroniqueur la connaissance des quelques milliers d’idiomes qui servent à exprimer la pensée dans les cinq parties du monde, ce serait abusif. D’ailleurs, avec les trois langues ci-dessus, en y joignant le français, on va loin à travers les deux continents. Il est vrai, il y a le turc, dont je n’ai retenu que quelques locutions, et le chinois, dont je