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sieur Claudius, un drame à grand spectacle avec un troisième acte dans ce décor… Quant au titre…

Tamerlan est tout indiqué ! » ai-je répondu.

Le trial me semble faire une moue très significative. Le conquérant de l’Asie lui paraît manquer d’actualité. Il n’est pas assez fin de siècle.

Et, d’ailleurs, se penchant vers sa femme, M. Caterna s’empresse d’ajouter :

« Comme place, j’ai vu mieux que cela à la Porte-Saint-Martin dans le Fils de la Nuit…

— Et moi au Châtelet dans Michel Strogoff. »

Le mieux est de laisser dire nos deux comédiens. Ils ne voient toutes choses qu’au point de vue du théâtre. Ils préfèrent les bandes d’air et de feuillage à l’azur du ciel et à la ramure des forêts, les toiles agitées à la houle de l’Océan, les perspectives d’un rideau de fond aux sites que ce rideau représente, un décor de Cambon, de Rubé ou de Jambon à n’importe quel paysage, enfin l’art à la nature… Ce n’est pas moi qui essaierai de modifier leurs idées à ce sujet.

Comme j’avais prononcé le nom de Tamerlan, je demande au major Noltitz si nous n’irons pas visiter le tombeau de ce célèbre Tartare. Le major me répond que nous le verrons en revenant, et notre itinéraire nous conduit en face du grand bazar de Samarkande.

L’arba s’arrête à l’une des entrées de cette vaste rotonde, après nous avoir fait capricieusement traverser une partie de la vieille ville, dont les maisons n’ont qu’un rez-de-chaussée, sans aucune apparence de confort.

Voici le bazar, où sont accumulées en quantités énormes des étoffes de laine, des tapis-moquettes aux couleurs vives, des châles d’un joli dessin, le tout jeté pêle-mêle sur le comptoir des échoppes. C’est devant ces étalages que le vendeur et l’acheteur discutent bruyamment les conditions du moindre marché. Parmi ces étoffes se trouve un tissu de soie nommé « kanaous », qui paraît très recherché des élégantes samarkandaises, bien qu’il soit loin de