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pour le chalumeau, et nos deux cents livres de lest sont intactes. Au besoin, je m’en servirais.

— Nous allons veiller avec toi, dit le chasseur.

— Non, mes amis ; mettez les provisions à l’abri et couchez-vous ; je vous réveillerai si cela est nécessaire.

— Mais, mon maître, ne feriez-vous pas bien de prendre du repos vous-même, puisque rien ne nous menace encore ?

— Non, merci, mon garçon, je préfère veiller. Nous sommes immobiles, et si les circonstances ne changent pas, demain nous nous trouverons exactement à la même place.

— Bonsoir, monsieur.

— Bonne nuit, si c’est possible. »

Kennedy et Joe s’allongèrent sous leurs couvertures, et le docteur demeura seul dans l’immensité. Cependant le dôme de nuages s’abaissait insensiblement, et l’obscurité se faisait profonde. La voûte noire s’arrondissait autour du globe terrestre comme pour l’écraser.

Tout d’un coup un éclair violent, rapide, incisif, raya l’ombre ; sa déchirure n’était pas refermée qu’un effrayant éclat de tonnerre ébranlait les profondeurs du ciel.

« Alerte ! » s’écria Fergusson.

Les deux dormeurs, réveillés à ce bruit épouvantable, se tenaient à ses ordres.

« Descendons-nous ? fit Kennedy.

— Non ! le ballon n’y résisterait pas. Montons avant que ces nuages se résolvent en eau et que le vent ne se déchaîne ! »

Et il poussa activement la flamme du chalumeau dans les spirales du serpentin.

Les orages des tropiques se développent avec une rapidité comparable à leur violence. Un second éclair déchira la nue, et fut suivi de vingt autres immédiats. Le ciel était zébré d’étincelles électriques qui grésillaient sous les larges gouttes de la pluie.

« Nous nous sommes attardés, dit le docteur. Il nous faut maintenant traverser une zone de feu avec notre ballon rempli d’air inflammable !

— Mais à terre ! à terre ! reprenait toujours Kennedy.

— Le risque d’être foudroyé serait presque le même, et nous serions vite déchirés aux branches des arbres !

— Nous montons, monsieur Samuel !

— Plus vite ! plus vite encore. »

Dans cette partie de l’Afrique, pendant les orages équatoriaux, il n’est