d’admirer cette terre de la Lune, puisqu’il nous est donné de la voir. »
Le soleil, glissant ses derniers rayons sous la masse des nuages amoncelés, ornait d’une crête d’or les moindres accidents du sol : arbres gigantesques, herbes arborescentes, mousses à ras de terre, tout avait sa part de cette effluve lumineuse ; le terrain, légèrement ondulé, ressautait çà et là en petites collines coniques ; pas de montagnes à l’horizon ; d’immenses palissades broussaillées, des haies impénétrables, des jungles épineuses séparaient les clairières où s’étalaient de nombreux villages ; les euphorbes gigantesques les entouraient de fortifications naturelles, en s’entremêlant aux branches coralliformes des arbustes.
Bientôt le Malagazari, principal affluent du lac Tanganayika, se mit à serpenter sous les massifs de verdure ; il donnait asile à ces nombreux cours d’eau, nés de torrents gonflés à l’époque des crues, ou d’étangs creusés dans la couche argileuse du sol. Pour des observateurs élevés, c’était un réseau de cascades jeté sur toute la face occidentale du pays.
Des bestiaux à grosses bosses pâturaient dans les prairies grasses et disparaissaient sous les grandes herbes ; les forêts, aux essences magnifiques, s’offraient aux yeux comme de vastes bouquets ; mais dans ces bouquets, lions, léopards, hyènes, tigres, se réfugiaient pour échapper aux dernières chaleurs du jour. Parfois un éléphant faisait ondoyer la cime des taillis, et l’on entendait le craquement des arbres cédant à ses cornes d’ivoire.
« Quel pays de chasse ! s’écria Kennedy enthousiasmé ; une balle lancée à tout hasard, en pleine forêt, rencontrerait un gibier digne d’elle ! Est-ce qu’on ne pourrait pas en essayer un peu ?
— Non pas, mon cher Dick ; voici la nuit, une nuit menaçante, escortée d’un orage. Or les orages sont terribles dans cette contrée, où le sol est disposé comme une immense batterie électrique.
— Vous avez raison, monsieur, dit Joe ; la chaleur est devenue étouffante, le vent est complètement tombé, il semble qu’il se prépare quelque chose.
— L’atmosphère est surchargée d’électricité, répondit le docteur ; tout être vivant est sensible à cet état de l’air qui précède la lutte des éléments, et j’avoue que je n’en fus jamais imprégné à ce point.
— Eh bien ! demanda le chasseur, ne serait-ce pas le cas de descendre ?
— Au contraire, Dick, j’aimerais mieux monter. Je crains seulement d’être entraîné au-delà de ma route pendant ces croisements de courants atmosphériques.
— Veux-tu donc abandonner la direction que nous suivons depuis la côte ?
— Si cela m’est possible, répondit Fergusson, je me porterai plus direc-