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un sot dans un campement d’Arabes ! Ah ! quelle chasse !… Voyez-vous, Monsieur Kennedy, un chasseur ne sait pas ce qu’est une chasse, s’il n’a été chassé lui-même ! Et cependant, s’il le peut, je lui donne le conseil de ne pas en essayer ! Mon cheval tombait de lassitude ; on me serre de près ; je m’abats ; je saute en croupe d’un Arabe ! Je ne lui en voulais pas, et j’espère bien qu’il ne me garde pas rancune de l’avoir étranglé ! Mais je vous avais vus !… et vous savez le reste. Le Victoria court sur mes traces, et vous me ramassez au vol, comme un cavalier fait d’une bague. N’avais-je pas raison de compter sur vous ? Eh bien ! monsieur Samuel, vous voyez combien tout cela est simple. Rien de plus naturel au monde ! Je suis prêt à recommencer, si cela peut vous rendre service encore ! et, d’ailleurs, comme je vous le disais, mon maître, cela ne vaut pas la peine d’en parler.

— Mon brave Joe ! répondit le docteur avec émotion. Nous n’avions donc pas tort de nous fier à ton intelligence et à ton adresse !

— Bah ! monsieur, il n’y a qu’à suivre les événements, et on se tire d’affaire ! Le plus sûr, voyez-vous, c’est encore d’accepter les choses comme elles se présentent. »

Pendant cette histoire de Joe, le ballon avait rapidement franchi une longue étendue de pays. Kennedy fit bientôt remarquer à l’horizon un amas de cases qui se présentait avec l’apparence d’une ville. Le docteur consulta sa carte, et reconnut la bourgade de Tagelel dans le Damerghou.

« Nous retrouvons ici, dit-il, la route de Barth. C’est là qu’il se sépara de ses deux compagnons, Richardson et Overweg. Le premier devait suivre la route de Zinder, le second celle de Maradi, et vous vous rappelez que, de ces trois voyageurs, Barth est le seul qui revit l’Europe.

— Ainsi, dit le chasseur, en suivant sur la carte la direction du Victoria, nous remontons directement vers le nord ?

— Directement, mon cher Dick.

— Et cela ne t’inquiète pas un peu ?

— Pourquoi ?

— C’est que ce chemin-là nous mène à Tripoli et au-dessus du grand désert.

— Oh ! nous n’irons pas si loin, mon ami ; du moins, je l’espère.

— Mais où prétends-tu t’arrêter ?

— Voyons, Dick, ne serais-tu pas curieux de visiter Tembouctou.

— Tembouctou ?

— Sans doute, reprit Joe. On ne peut pas se permettre de faire un voyage en Afrique sans visiter Tembouctou !