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se jeter dans un courant contraire qui pût le rapprocher du Tchad ; mais c’était impossible alors, et la descente même devenait impraticable sur un terrain dénudé et par un ouragan de cette violence.

Le Victoria traversa ainsi le pays des Tibbous ; il franchit le Belad el Djérid, désert épineux qui forme la lisière du Soudan, et pénétra dans le désert de sable, sillonné par de longues traces de caravanes ; la dernière ligne de végétation se confondit bientôt avec le ciel à l’horizon méridional, non loin de la principale oasis de cette partie de l’Afrique, dont les cinquante puits sont ombragés par des arbres magnifiques ; mais il fut impossible de s’arrêter. Un campement arabe, des tentes d’étoffes rayées, quelques chameaux allongeant sur le sable leur tête de vipère, animaient cette solitude ; mais le Victoria passa comme une étoile filante, et parcourut ainsi une distance de soixante milles en trois heures, sans que Fergusson parvînt à maîtriser sa course.

« Nous ne pouvons faire halte ! dit-il, nous ne pouvons descendre ! pas un arbre ! pas une saillie de terrain ! allons-nous donc franchir le Sahara ? Décidément le ciel est contre nous ! »

Il parlait ainsi avec une rage de désespéré, quand il vit dans le nord les sables du désert se soulever au milieu d’une épaisse poussière, et tournoyer sous l’impulsion des courants opposés.

Au milieu du tourbillon, brisée, rompue, renversée, une caravane entière disparaissait sous l’avalanche de sable ; les chameaux pêle-mêle poussaient des gémissements sourds et lamentables ; des cris, des hurlements sortaient de ce brouillard étouffant. Quelquefois, un vêtement bariolé