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La chute devint moins rapide, mais les malheureux tombaient toujours !

« Jetez ! jetez encore ! s’écria une dernière fois le docteur.

— Il n’y a plus rien, dit Kennedy.

— Si ! » répondit laconiquement Joe en se signant d’une main rapide.

Et il disparut par-dessus le bord de la nacelle.


La chute de Joe.


« Joe ! Joe ! » fit le docteur terrifié.

Mais Joe ne pouvait plus l’entendre. Le Victoria délesté reprenait sa marche ascensionnelle, remontait à mille pieds dans les airs, et le vent s’engouffrant dans l’enveloppe dégonflée l’entraînait vers les côtes septentrionales du lac.

« Perdu ! dit le chasseur avec un geste de désespoir.

— Perdu pour nous sauver ! » répondit Fergusson.

Et ces hommes si intrépides sentirent deux grosses larmes couler de leurs yeux. Ils se penchèrent, en cherchant à distinguer quelque trace du malheureux Joe, mais ils étaient déjà loin.

« Quel parti prendre ! demanda Kennedy.

— Descendre à terre, dès que cela sera possible, Dick, et puis attendre. »

Après une marche de soixante milles, le Victoria s’abattit sur une côte déserte, au nord du lac. Les ancres s’accrochèrent dans un arbre peu élevé, et le chasseur les assujettit fortement.

La nuit vint, mais ni Fergusson ni Kennedy ne purent trouver un instant de sommeil.

CHAPITRE XXXIII

Conjectures. — Rétablissement de l’équilibre du Victoria. — Nouveaux calculs du docteur Fergusson. — Chasse de Kennedy. — Exploration complète du lac Tchad. — Tangalia. — Retour. — Lari.

Le lendemain, 13 mai, les voyageurs reconnurent tout d’abord la partie de la côte qu’ils occupaient. C’était une sorte d’île de terre ferme au milieu d’un immense marais. Autour de ce morceau de terrain solide s’élevaient des roseaux grands comme des arbres d’Europe et qui s’étendaient à perte de vue.

Ces marécages infranchissables rendaient sûre la position du Victoria ; il fallait seulement surveiller le côté du lac ; la vaste nappe d’eau allait