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étaient en rapport avec l’ardeur des rayons solaires, et il en tira des conclusions fort aimables pour la Providence.


Vue de la ville de Kouka.


Kouka se compose réellement de deux villes distinctes, séparées par le « dendal », large boulevard de trois cents toises, alors encombré de piétons et de cavaliers. D’un côté se carre la ville riche avec ses cases hautes et aérées ; de l’autre se presse la ville pauvre, triste assemblage de huttes basses et coniques, où végète une indigente population, car Kouka n’est ni commerçante ni industrielle.

Kennedy lui trouva quelque ressemblance avec un Édimbourg qui s’étalerait dans une plaine, avec ses deux villes parfaitement déterminées.

Mais, à peine les voyageurs purent-ils saisir ce coup d’œil, car, avec la mobilité qui caractérise les courants de cette contrée, un vent contraire les saisit brusquement et les ramena pendant une quarantaine de milles sur le Tchad.

Ce fut alors un nouveau spectacle ; ils pouvaient compter les îles nombreuses du lac, habitées par les Biddiomahs, pirates sanguinaires très redoutés, et dont le voisinage est aussi craint que celui des Touaregs du Sahara. Ces sauvages se préparaient à recevoir courageusement le Victoria à coups de flèches et de pierres, mais celui-ci eut bientôt fait de dépasser ces îles, sur lesquelles il semblait papillonner comme un scarabée gigantesque.

En ce moment, Joe regardait l’horizon, et, s’adressant à Kennedy, il lui dit :

« Ma foi, monsieur Dick, vous qui êtes toujours à rêver chasse, voilà justement votre affaire.

— Qu’est-ce donc, Joe ?

— Et, cette fois, mon maître ne s’opposera pas à vos coups de fusil.

— Mais qu’y a-t-il ?

— Voyez-vous là-bas cette troupe de gros oiseaux qui se dirigent sur nous ?

— Des oiseaux ! fit le docteur en saisissant sa lunette.

— Je les vois, répliqua Kennedy ; ils sont au moins une douzaine.

— Quatorze, si vous voulez bien, répondit Joe.

— Fasse le ciel qu’ils soient d’une espèce assez malfaisante pour que le tendre Samuel n’ait rien à m’objecter !

— Je n’aurai rien à dire, répondit Fergusson, mais j’aimerais mieux voir ces oiseaux-là loin de nous !

— Vous avez peur de ces volatiles ? fit Joe.

— Ce sont des gypaètes, Joe, et de la plus grande taille ; et s’ils nous attaquent…