Joe plongea une bouteille, et la ramena à demi pleine ; cette eau fut goûtée et trouvée peu potable, avec un certain goût de natron.
Tandis que le docteur inscrivait le résultat de son expérience, un coup de fusil éclata à ses côtés. Kennedy n’avait pu résister au désir d’envoyer une balle à un monstrueux hippopotame ; celui-ci, qui respirait tranquillement, disparut au bruit de la détonation, et la balle conique du chasseur ne parut pas le troubler autrement.
« Il aurait mieux valu le harponner, dit Joe.
— Et comment ?
— Avec une de nos ancres. C’eût été un hameçon convenable pour un pareil animal.
— Mais, dit Kennedy, Joe a vraiment une idée…
— Que je vous prie de ne pas mettre à exécution ! répliqua le docteur. L’animal nous aurait vite entraînés où nous n’avons que faire.
— Surtout maintenant que nous sommes fixés sur la qualité de l’eau du Tchad. Est-ce que cela se mange, ce poisson-là, Monsieur Fergusson ?
— Ton poisson, Joe, est tout bonnement un mammifère du genre des pachydermes ; sa chair est excellente, dit-on, et fait l’objet d’un grand commerce entre les tribus riveraines du lac.
— Alors je regrette que le coup de fusil de M. Dick n’ait pas mieux réussi.
— Cet animal n’est vulnérable qu’au ventre et entre les cuisses ; la balle de Dick ne l’aura pas même entamé. Mais, si le terrain me paraît propice, nous nous arrêterons à l’extrémité septentrionale du lac ; là, Kennedy se trouvera en pleine ménagerie, et il pourra se dédommager à son aise.
— Eh bien ! dit Joe, que monsieur Dick chasse un peu à l’hippopotame ! Je voudrais goûter la chair de cet amphibie. Il n’est vraiment pas naturel de pénétrer jusqu’au centre de l’Afrique pour y vivre de bécassines et de perdrix comme en Angleterre ! »
CHAPITRE XXXII
Depuis son arrivée au lac Tchad, le Victoria avait rencontré un courant qui s’inclinait plus à l’ouest ; quelques nuages tempéraient alors la chaleur du jour ; on sentait d’ailleurs un peu d’air sur cette vaste étendue d’eau ;