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pour profiter de la première occasion ; la caisse d’alimentation et la caisse à eau furent entièrement remplies toutes les deux.

Fergusson dut rétablir ensuite l’équilibre de l’aérostat, et Joe fut obligé de sacrifier une notable partie de son précieux minerai. Avec la santé, les idées d’ambition lui étaient revenues ; il fit plus d’une grimace avant d’obéir à son maître ; mais celui-ci lui démontra qu’il ne pouvait enlever un poids aussi considérable ; il lui donna à choisir entre l’eau ou l’or ; Joe n’hésita plus, et il jeta sur le sable une forte quantité de ses précieux cailloux.

« Voilà pour ceux qui viendront après nous, dit-il ; ils seront bien étonnés de trouver la fortune en pareil lieu.

— Eh ! fit Kennedy, si quelque savant voyageur vient à rencontrer ces échantillons ?…

— Ne doute pas, mon cher Dick, qu’il n’en soit fort surpris et qu’il ne publie sa surprise en nombreux in-folios ! Nous entendrons parler quelque jour d’un merveilleux gisement de quartz aurifère au milieu des sables de l’Afrique.

— Et c’est Joe qui en sera la cause. »

L’idée de mystifier peut-être quelque savant consola le brave garçon et le fit sourire.

Pendant le reste de la journée, le docteur attendit vainement un changement dans l’atmosphère. La température s’éleva et, sans les ombrages de l’oasis, elle eût été insoutenable. Le thermomètre marqua au soleil cent quarante-neuf degrés[1]. Une véritable pluie de feu traversait l’air. Ce fut la plus haute chaleur qui eût encore été observée.

Joe disposa comme la veille le bivouac du soir, et, pendant les quarts du docteur et de Kennedy, il ne se produisit aucun incident nouveau.

Mais, vers trois heures du matin, Joe veillant, la température s’abaissa subitement, le ciel se couvrit de nuages, et l’obscurité augmenta.

« Alerte ! s’écria Joe en réveillant ses deux compagnons ! alerte ! voici le vent.

— Enfin ! dit le docteur en considérant le ciel, c’est une tempête ! Au Victoria ! au Victoria ! »

Il était temps d’y arriver. Le Victoria se courbait sous l’effort de l’ouragan et entraînait la nacelle qui rayait le sable. Si, par hasard, une partie du lest eût été précipitée à terre, le ballon serait parti, et tout espoir de le retrouver eût été à jamais perdu.

Mais le rapide Joe courut à toutes jambes et arrêta la nacelle, tandis

  1. 69° centigrades.