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« Bulletins de la Société Géographique » ; elle raillait spirituellement la Société Royale de Londres, le Traveller’s club et l’esturgeon phénoménal.

Mais M. Petermann, dans ses « Mittheilungen », publiés à Gotha, réduisit au silence le plus absolu le journal de Genève. M. Petermann connaissait personnellement le docteur Fergusson, et se rendait garant de l’intrépidité de son audacieux ami.

Bientôt d’ailleurs le doute ne fut plus possible ; les préparatifs du voyage se faisaient à Londres ; les fabriques de Lyon avaient reçu une commande importante de taffetas pour la construction de l’aérostat ; enfin le gouvernement britannique mettait à la disposition du docteur le transport le Resolute, capitaine Pennet.

Aussitôt mille encouragements se firent jour, mille félicitations éclatèrent. Les détails de l’entreprise parurent tout au long dans les Bulletins de la Société Géographique de Paris ; un article remarquable fut imprimé dans les « Nouvelles Annales des voyages, de la géographie, de l’histoire et de l’archéologie de M. V.-A. Malte-Brun » ; un travail minutieux publié dans « Zeitschrift für Allgemeine Erdkunde », par le docteur W. Koner, démontra victorieusement la possibilité du voyage, ses chances de succès, la nature des obstacles, les immenses avantages du mode de locomotion par la voie aérienne ; il blâma seulement le point de départ ; il indiquait plutôt Masuah, petit port de l’Abyssinie, d’où James Bruce, en 1768, s’était élancé à la recherche des sources du Nil. D’ailleurs il admirait sans réserve cet esprit énergique du docteur Fergusson, et ce cœur couvert d’un triple airain qui concevait et tentait un pareil voyage.

Le « North American Review » ne vit pas sans déplaisir une telle gloire réservée à l’Angleterre ; il tourna la proposition du docteur en plaisanterie, et l’engagea à pousser jusqu’en Amérique, pendant qu’il serait en si bon chemin.

Bref, sans compter les journaux du monde entier, il n’y eut pas de recueil scientifique, depuis le « Journal des Missions évangéliques » jusqu’à la « Revue algérienne et coloniale », depuis les « Annales de la propagation de la foi » jusqu’au « Church missionnary intelligencer », qui ne relatât le fait sous toutes ses formes.

Des paris considérables s’établirent à Londres et dans l’Angleterre, 1o sur l’existence réelle ou supposée du docteur Fergusson ; 2o sur le voyage lui-même, qui ne serait pas tenté suivant les uns, qui serait entrepris suivant les autres ; 3o sur la question de savoir s’il réussirait ou s’il ne réussirait pas ; 4o sur les probabilités ou les improbabilités du retour du docteur Fergusson. On engagea des sommes énormes au livre des paris, comme s’il se fût agi des courses d’Epsom.