Un vaste remuement se fit dans les herbes, et bientôt une forme allongée et sinueuse s’éleva au-dessus d’elles.
« Un serpent ! fit Joe.
— Un serpent ! s’écria Kennedy en armant sa carabine.
— Eh non ! dit le docteur, c’est une trompe d’éléphant.
— Un éléphant, Samuel ! »
Et Kennedy, ce disant, épaula son arme.
« Attends, Dick, attends !
— Sans doute ! L’animal nous remorque.
— Et du bon côté, Joe, du bon côté. »
![](http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/d/dc/Cinq_Semaines_en_ballon_033.jpg/240px-Cinq_Semaines_en_ballon_033.jpg)
L’éléphant s’avançait avec une certaine rapidité ; il arriva bientôt à une clairière, où l’on put le voir tout entier ; à sa taille gigantesque, le docteur reconnut un mâle d’une magnifique espèce ; il portait deux défenses blanchâtres, d’une courbure admirable, et qui pouvaient avoir huit pieds de long ; les pattes de l’ancre étaient fortement prises entre elles.
L’animal essayait vainement de se débarrasser avec sa trompe de la corde qui le rattachait à la nacelle.
« En avant ! hardi ! s’écria Joe au comble de la joie, excitant de son mieux cet étrange équipage. Voilà encore une nouvelle manière de voyager ! Plus que cela de cheval ! un éléphant, s’il vous plaît.
— Mais où nous mène-t-il ? demanda Kennedy, agitant sa carabine qui lui brûlait les mains.
— Il nous mène où nous voulons aller, mon cher Dick ! Un peu de patience !
— « Wig a more ! Wig a more ! » comme disent les paysans d’Écosse, s’écriait le joyeux Joe. En avant ! en avant ! »
L’animal prit un galop fort rapide ; il projetait sa trompe de droite et de gauche, et, dans ses ressauts, il donnait de violentes secousses à la nacelle. Le docteur, la hache à la main, était prêt à couper la corde s’il y avait lieu.
« Mais, dit-il, nous ne nous séparerons de notre ancre qu’au dernier moment. »
Cette course, à la suite d’un éléphant, dura près d’une heure et demie ; l’animal ne paraissait aucunement fatigué ; ces énormes pachydermes peuvent fournir des trottes considérables, et, d’un jour à l’autre, on les retrouve à des distances immenses, comme les baleines dont ils ont la masse et la rapidité.
« Au fait, disait Joe, c’est une baleine que nous avons harponnée, et nous ne faisons qu’imiter la manœuvre des baleiniers pendant leurs pêches. »