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césar cascabel.

Ne voilà-t-il pas notre gamin s’imaginant que c’est une pépite, oubliée dans cette partie du Caribou ! Et, poussant un cri de joie, il la ramasse, il la pèse dans sa main, il la met dans sa poche, tout en se promettant de n’en parler à personne.

« Nous verrons bien ce qu’on dira plus tard, murmura-t-il, lorsque je l’aurai changée en belle monnaie d’or !

Sandre avait à peine empoché son précieux caillou, que l’orage se déchaîna par un violent coup de tonnerre. Les derniers échos le répercutaient encore dans l’espace, lorsqu’un rugissement se fit entendre.

À vingt pas, hors d’un fourré, se dressait un ours énorme de l’espèce des grizzlys.

Et, si brave qu’il fût, Sandre se mit à décamper à toutes jambes, en gagnant du côté du creek. Aussitôt, l’ours de se mettre à sa poursuite.

Si Sandre parvenait à atteindre le lit du cours d’eau, à le franchir, à se réfugier au campement, il était sauvé. On saurait bien tenir le grizzly en respect sur la rive gauche du creek, et même l’abattre pour en faire une descente de lit.

Mais la pluie tombait déjà à flots, les éclairs se multipliaient, le ciel s’emplissait des fracas de la foudre. Sandre, trempé jusqu’aux os, gêné dans sa fuite par ses vêtements mouillés, courait le risque de tomber à chaque pas, et une chute l’eut mis à la merci de l’animal. Pourtant il parvint à maintenir sa distance, et, en moins d’un quart d’heure, il se trouva sur le bord du creek.

Là, obstacle infranchissable. Le creek, changé en torrent, roulait des pierres, des troncs, des souches, arrachés par la violence du flot. Les eaux montaient jusqu’à l’affleurement des rives. Se jeter au milieu de ces tourbillons, c’était se perdre, sans aucune chance de salut.

Sandre n’osait se retourner. Il sentait l’ours sur ses talons, prêt à l’étreindre. Et, impossible de signaler sa présence à la Belle-Roulotte, à peine visible sous les arbres.

L’instinct lui fit faire alors, presque sans réflexions, ce qui pouvait peut-être le sauver.