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dénouement très applaudi des spectateurs.

On conçoit quelles furent les inquiétudes du prince Narkine, lorsqu’il ne reçut plus aucune nouvelle de son fils. Il le crut perdu… mort dans son exil. Sa santé s’altéra, et elle était bien compromise quand M. Serge arriva au château. Quelle joie ce fut pour le prince Narkine qui désespérait de jamais le revoir !… Le comte Narkine était libre !… Il n’avait plus rien à craindre de la police moscovite !… Et alors, ne voulant pas laisser son père dans l’état où il était, ne voulant pas le quitter quelques heures après l’avoir revu, il avait envoyé à M. Cascabel cette lettre qui lui disait tout. Elle le prévenait en outre qu’il viendrait le retrouver au cirque de Perm, à la fin de la représentation.

C’est alors que M. Cascabel avait eu la triomphante idée que l’on sait, et qu’il avait pris cette mesure pour livrer la bande d’Ortik au dénouement de la pièce.

Lorsque le public eut été mis au courant, ce fut un délire. Les hurrahs éclatèrent de toute parts, au moment où les Cosaques emmenaient Ortik et ses complices, lesquels, après avoir si longtemps joué le rôle de brigands au naturel, allaient enfin expier leurs crimes — au naturel également.

M. Serge fut aussitôt instruit de tout ce qui s’était passé, comment Kayette avait découvert cette machination tramée contre lui et contre la famille Cascabel, comment la jeune Indienne avait risqué sa vie en se glissant à la suite des deux matelots russes pendant la nuit du 6 juillet, comment elle avait tout raconté à M. Cascabel, comment enfin celui-ci n’avait rien voulu dire ni au comte Narkine, ni à sa femme…

« Un secret pour moi, César, un secret ! dit Mme  Cascabel d’un ton de reproche.

— Le premier et le dernier, ma femme ! »

Cornélia avait déjà pardonné à son mari, et, n’y tenant plus, elle s’écria :

« Ah ! monsieur Serge, il faut que je vous embrasse ! »

Puis, toute confuse :