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césar cascabel.

Il avait résolu de compléter sa pièce, ou, plutôt, de renforcer sa mise en scène — on va voir de quelle façon.

Il a été dit que jusqu’alors, par défaut de comparses, jamais les brigands ni les gendarmes ne s’étaient montrés au public. Bien qu’il représentât le brigandage à lui tout seul, M. Cascabel pensait, très justement, que la pièce ferait un plus grand effet, si la figuration était complète au dénouement.

Aussi l’idée lui était-elle venue d’engager quelques comparses pour cette représentation. Et, au fait, n’avait-il pas sous la main Ortik et Kirschef ? Pourquoi ces deux braves marins refuseraient-ils de remplir le rôle de brigands ?

Donc, au moment de quitter la table, M. Cascabel, s’adressant à Ortik, lui expliqua-t-il la situation, et finit par dire :

« Vous conviendrait-il de prendre tous deux part à la représentation, comme figurants ?… Ça me rendrait un véritable service, mes amis !

— Très volontiers, répondit Ortik. Kirschef et moi, nous ne demandons pas mieux ! »

Comme ils avaient intérêt à rester dans les meilleurs termes avec la famille Cascabel, on comprend qu’ils se fussent empressés d’agréer cette proposition.

« Parfait, mes amis, parfait ! répondit M. Cascabel. Vous n’aurez, d’ailleurs, qu’à paraître avec moi, au moment où j’entre en scène, c’est-à-dire au dénouement !… Vous ferez comme je ferai, les mêmes roulements d’yeux, les mêmes gestes, les mêmes rugissements de rage !… Vous verrez, cela ira tout seul, et je vous garantis un succès prodigieux ! »

Puis, après avoir réfléchi :

« Mais j’y pense, ajouta-t-il, à vous deux, vous ne ferez encore que deux brigands !… Ce n’est pas assez !… Non !… C’est toute une bande que Fracassar a sous ses ordres, et si je pouvais vous adjoindre cinq ou six autres bonshommes, l’effet serait plus grand !… Est-ce que vous ne pourriez pas me racoler par la ville quelques gentilshommes sans