C’était bien fâcheux, en somme, que cette complication eût troublé un plan si habilement combiné ! Les papiers des Cascabel étaient en règle, M. Serge figurait dans son personnel, et les autorités russes le laissaient passer sans méfiance. Arrivé à Perm, il aurait eu toute facilité pour se rendre au château de Walska. Après avoir embrassé le prince Narkine, après être demeuré quelques jours près de lui, il aurait pu traverser la Russie sous l’habit de saltimbanque, et se réfugier en France, où toute sécurité lui était assurée. Et alors, plus de séparation !… Kayette et lui ne quitteraient pas la famille !… Et, plus tard, qui sait si ce pauvre Jean !… Ah ! vraiment, c’était peu que la potence pour les scélérats qui venaient compromettre un tel avenir ! Aussi, malgré lui, M. Cascabel se laissait-il aller à des emportements incompréhensibles pour ses compagnons.
Et, lorsque Cornélia lui demandait :
« César, qu’as-tu donc ?
— Je n’ai rien ! répondit-il.
— Alors pourquoi rages-tu ?…
— Je rage, Cornélia, parce que si je ne rageais pas, je deviendrais enragé ! »
Et l’excellente femme ne savait qu’imaginer pour expliquer l’attitude de son mari.
Quatre jours s’écoulèrent ; puis, à une soixantaine de lieues dans le sud-ouest de l’Oural, la Belle-Roulotte atteignit la petite ville de Solikamsk.
Sans doute, les complices d’Ortik avaient dû l’y devancer ; mais, par prudence, ni lui ni Kirschef ne cherchèrent à se mettre en rapport avec eux.
Rostof et les autres étaient là, cependant, et ils allaient repartir dans la nuit, afin de gagner Perm, située à une cinquantaine de lieues au sud. Et alors, rien ne pourrait empêcher l’abominable projet de s’accomplir.
Le lendemain, dès l’aube, on quitta Solikamsk, et, à la date du 17 juillet, la Koswa était franchie dans le bac de passage. En trois