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voyage terminé et qui n’est pas fini.

— Oui ! je lui parlerai !… À cette femme-là, on pourrait confier un secret d’État !… Plutôt que de le trahir, elle se ferait couper la langue, et il n’y a pas de plus gros sacrifice pour une femme !… Oui !… je lui parlerai !…

— Maintenant, retournons à la Belle-Roulotte, dit Kayette. Il ne faut pas que l’on s’aperçoive de notre absence…

— Tu as raison, petite Kayette, toujours raison !

— Surtout, monsieur Cascabel, contenez-vous devant Ortik et Kirschef !

— Ce sera difficile ; mais ne crains rien, on leur fera risette ! Ah ! les brigands !… Nous être souillés à leur contact impur !… Voilà donc pourquoi ils m’ont prévenu qu’ils ne se rendraient pas directement à Riga !… Ils nous font l’honneur de nous accompagner jusqu’à Perm !… Les malandrins !… Les Papavoines !… Les Lacenaires !… Les Troppmans !… »

Et M. Cascabel déroula toute la série des noms de scélérats fameux qui lui revinrent à la mémoire.

« Monsieur Cascabel, fit observer Kayette, si c’est ainsi que vous êtes maître de vous !…

— Non, petite Kayette, ne crains rien !… Me voilà soulagé !… Ça m’étouffait !… Ça m’étranglait !… Je serai calme !… Je le suis déjà !… Retournons à la Belle-Roulotte !… Canailles, va ! »

Et tous deux reprirent le chemin du zavody. Ils ne parlaient plus… Ils étaient absorbés dans leurs réflexions !… Un si merveilleux voyage, sur le point de s’achever, et qui était compromis par cet odieux complot !

Au moment d’arriver, M. Cascabel s’arrêta.

« Petite Kayette ? dit-il.

— Monsieur Cascabel.

— Décidément, je préfère ne rien dire à Cornélia !

— Et pourquoi ?…

— Que veux-tu !… J’ai observé qu’en général, une femme garde d’autant mieux un secret qu’elle ne le connaît pas !… Donc, que celui-ci reste entre nous !… »