Comme cette partie de la frontière, ordinairement fréquentée par les contrebandiers ou les déserteurs, n’était pas très sûre, il y aurait lieu de se tenir sur la défensive, et quelques mesures durent être prises à ce propos.
Pendant la soirée, la conversation porta sur les difficultés que pouvait présenter la traversée de l’Oural. Ortik assura que la passe indiquée par lui — dite passe de la Petchora — était une des plus praticables de la chaîne. Il la connaissait pour l’avoir déjà franchie, lorsque Kirschef et lui s’étaient rendus d’Arkhangelsk à la mer Arctique pour y rejoindre le Vremia.
Tandis que M. Serge et Ortik s’entretenaient de ces choses, Cornélia, Napoléone et Kayette s’occupaient du souper. Un bon quartier de daim rôtissait devant un feu allumé sous les arbres, à l’entrée de la clairière, et une tarte au riz se nuançait de teintes dorées sur une plaque en contact avec des charbons ardents.
« J’espère que, ce soir, on ne se plaindra pas du menu ! dit l’excellente ménagère.
— À moins que le rôti et le gâteau ne brûlent ! fit, bien entendu, observer Clou-de-Girofle.
— Et pourquoi brûleraient-ils, monsieur Clou, riposta Cornélia, si vous avez soin de tourner la broche de l’un et de remuer la plaque de l’autre ! »
Et, dûment averti, Clou s’installa au poste de confiance qui lui était assigné. Tandis que Wagram et Marengo rôdaient autour du foyer, John Bull se pourléchait en attendant sa part de cet excellent souper.
Le moment venu, on se mit à table, et il n’y eut que des éloges à faire de ce repas. Cornélia et son aide les reçurent avec une vive satisfaction.
À l’heure de se coucher, comme la température était encore élevée, M. Serge, César Cascabel et des deux fils, Clou et les deux matelots voulurent se contenter du lit que la clairière leur offrait à l’abri des arbres. Dans ces conditions, d’ailleurs, la surveillance serait plus facile.