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césar cascabel.

Pendant les journées qui suivirent, la chaleur fut extrêmement forte. On sentait déjà les premières ondulations de la chaîne de l’Oural, et, sur ce sol montant, les rennes éprouvaient de grandes fatigues, car la température les accablait. Peut-être eût-il mieux valu les remplacer par des chevaux ; mais M. Cascabel, on le sait, était féru de cette idée de faire une triomphale entrée à Perm, avec une voiture à vingt rennes.

Le 28 juin, après un parcours de soixante-dix lieues depuis le cours de l’Obi, la Belle-Roulotte atteignit la petite bourgade de Verniky. Là, exhibition obligatoire des papiers — formalité qui ne donna lieu à aucune observation. Puis, la voiture reprit sa direction vers la chaîne de l’Oural, qui dressait à l’horizon les sommets du Telpœs et du Nintchour, élevés à seize cents mètres. On n’allait pas très vite, et pourtant il n’y avait plus de temps à perdre, si la petite troupe voulait arriver à Perm au moment où la foire serait dans tout son éclat.

Du reste, en prévision des représentations qu’il comptait y donner, M. Cascabel exigeait maintenant que chacun « répétât » ses exercices. Il y avait à garder intacte la réputation des acrobates, gymnastes, équilibristes et clowns français en général, et de la famille Cascabel en particulier. Aussi obligeait-il ses artistes à s’entraîner pendant les haltes du soir. Il n’était pas jusqu’à M. Serge qui ne travaillât à se perfectionner dans les tours de cartes et d’escamotage, pour lesquels il montrait de réelles dispositions.

« Quel forain vous auriez fait ! » ne cessait de lui répéter son professeur.

Le 3 juillet, la Belle-Roulotte vint camper au centre d’une clairière, encadrée de bouleaux, de pins, de mélèzes, que dominaient les cimes alpestres de l’Oural.

C’était le lendemain que les voyageurs, guidés par Ortik et Kirschef, commenceraient à s’engager à travers l’une des passes de la chaîne, et ils prévoyaient, sinon de sérieuses fatigues, du moins de rudes étapes, tant que le plus haut point du col ne serait pas atteint.