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césar cascabel.

III

la sierra nevada


Que de gens ont parfois rêvé d’un voyage accompli dans un coach-house, à la façon des saltimbanques ! N’avoir à s’inquiéter ni des hôtels, ni des auberges, ni des lits incertains, ni de la cuisine plus incertaine encore, lorsqu’il s’agit de traverser un pays à peine semé de hameaux ou de villages ! Ce que de riches amateurs font communément à bord de leurs yachts de plaisance, avec tous les avantages du chez-soi qui se déplace, il en est peu qui l’aient fait à l’aide d’une voiture ad hoc. Et pourtant la voiture, n’est-ce pas la maison qui marche ? Pourquoi les forains sont-ils les seuls à connaître cette jouissance « de la navigation en terre ferme ? »

En réalité, la voiture du saltimbanque, c’est l’appartement complet y compris ses chambres et son mobilier, c’est le « home » roulant, et celui de César Cascabel répondait bien aux exigences de cette vie nomade.

La Belle-Roulotte — ainsi se nommait-elle, comme s’il se fût agi de quelque goélette normande, et soyez assurés qu’elle justifiait cette appellation, après tant de pérégrinations diverses à travers les États-Unis. Achetée depuis trois ans à peine sur les premières économies du ménage, elle remplaçait la vieille guimbarde, uniquement recouverte d’une bâche et totalement dépourvue de ressorts, qui avait si longtemps servi à loger toute la famille. Or, plus de vingt ans s’étaient écoulés depuis que M. Cascabel courait les foires et marchés de la Confédération, il va de soi que son véhicule était de fabrication américaine.