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du fleuve obi aux monts ourals

Celui-ci n’hésita pas à lui présenter ses papiers, où M. Serge était porté comme l’un des artistes de la troupe foraine.

De voir l’un de ses compatriotes au milieu de saltimbanques français, cela ne laissa pas de surprendre l’honorable fonctionnaire, à qui il n’avait pu échapper que M. Serge était d’origine moscovite. Il en fit l’observation.

Mais M. Cascabel lui fit alors remarquer que, s’il y avait un Russe parmi eux, il avait aussi un Américain en la personne de Clou-de-Girofle, et une Indienne en la personne de Kayette. Il ne s’inquiétait que du talent des artistes, jamais de leur nationalité. Il ajouta que ces artistes seraient trop heureux si « monsieur le maire — jamais César Cascabel n’aurait pu prononcer le mot gorodintschy —, si monsieur le maire voulait leur permettre de travailler en sa présence ! »

Voilà qui fit un extrême plaisir audit maire, lequel accepta la proposition de M. Cascabel et lui promit de viser ses papiers après la représentation.

Quant à Ortik et Kirschef, ayant été désignés comme deux naufragés russes en cours de rapatriement, il n’y eut aucune difficulté à leur égard.

Il s’ensuit donc que, le soir même, toute la troupe se rendit à la demeure du gorodintschy.

C’était une assez vaste maison, peinte d’un beau ton jaune, en souvenir d’Alexandre Ier, qui affectionnait cette couleur. Aux murs du salon était suspendue une image de la Vierge, accompagnée des portraits de quelques saints moscovites, ayant fort bon air dans leur cadre d’étoffe argentée. Des bancs et escabeaux servaient de siège au maire, à sa femme et à ses trois filles. Une demi-douzaine de notables avaient été invités à partager les plaisirs de cette soirée, tandis que les simples contribuables de Mouji, pressés autour de la maison, se contentaient de regarder par les fenêtres.

La famille Cascabel fut reçue avec beaucoup d’égards. Elle commença ses exercices, et on ne s’aperçut pas trop qu’ils eussent été