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césar cascabel.

cinq lieues au-delà, les voyageurs vinrent camper près du lac Iege.

Quel contraste avec l’aspect si monotone de la steppe ! C’était comme une oasis au milieu des sables du Sahara. Que l’on s’imagine une nappe d’eau limpide, circonscrite dans une ceinture d’arbres à feuilles persistantes, des pins et des sapins, des bouquets d’arbrisseaux, égayés de leur nouvelle verdure, airelles à baies pourpres, camarines noires, groseilliers rougeâtres, églantiers que le printemps couronnait de fleurs naissantes.

Sous le couvert des fourrés assez épais, qui se massaient à l’est et à l’ouest du lac, Wagram et Marengo ne seraient pas en peine de dépister quelque gibier de poil ou de plume, si M. Cascabel leur permettait d’y fureter pendant un couple d’heures.

Et d’ailleurs, à la surface de ce lac, des oies, des canards, des cygnes, nageaient par bandes nombreuses. Dans l’air, passaient à tire-d’aile des couples de grues et de cigognes, au vol allongé, qui venaient des régions centrales de l’Asie. On eût volontiers battu des mains à cet attrayant spectacle.

Sur la proposition de M. Serge, il fut décidé que l’on ferait une halte de quarante-huit heures. Le campement fut disposé à la pointe du lac, sous l’abri de grands sapins, dont la cime débordait au-dessus des eaux.

Puis, les chasseurs de la troupe, suivis de Wagram, prirent leurs fusils, après avoir promis de ne pas trop s’éloigner. Il ne s’était pas écoulé un quart d’heure que des détonations se faisaient entendre.

Pendant ce temps, M. Cascabel et Sandre, Ortik et Kirschef, résolurent de tenter la fortune, en pêchant sur les bords du lac. Leurs engins se réduisaient à quelques lignes, munies d’hameçons, qu’ils avaient achetées aux indigènes de Port-Clarence. Et que faut-il de plus à des pêcheurs dignes de ce grand art, lorsqu’ils ont assez d’intelligence pour lutter avec les ruses d’un poisson, et assez de patience pour attendre qu’il daigne mordre à leur appât !

En réalité, cette dernière qualité eût été inutile ce jour-là. À