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le pays des iakoutes.

répandus à travers la steppe. Ceux qui vivent sédentairement dans les villages ou les bourgades s’adonnent plus particulièrement à la pêche, en exploitant les eaux poissonneuses des mille cours d’eau que le grand fleuve absorbe à son passage.

Néanmoins, si ces Iakoutes sont doués de toutes les vertus publiques et privées, il faut reconnaître qu’ils abusent trop volontiers du tabac, et — ce qui est plus grave — du brandevin et autres liqueurs alcooliques.

« Ils sont pourtant excusables dans une certaine mesure, fit observer Jean. Pendant trois mois, ils n’ont que de l’eau à boire et de l’écorce de pin à manger.

— Ne voulez-vous pas dire de la croûte de pain, monsieur Jean ? demanda Clou-de-Girofle.

— Non, de l’écorce de pin. Aussi, après de telles privations, un peu d’excès est-il pardonnable ! »

Tandis que les nomades habitent des yourtes, sortes de tentes de forme conique en étoffe blanche, les sédentaires occupent des maisons de bois, bâties au goût et à la convenance de chacun. Ces maisons, soigneusement tenues, sont coiffées de toits très raides, dont la pente favorise la fusion des neiges sous les rayons du soleil d’avril. Aussi cette bourgade de Maksimova présente-t-elle un riant aspect. Les hommes sont d’un type agréable, l’air franc, le regard clair, la physionomie empreinte de quelque fierté. Les femmes paraissent gracieuses et assez jolies, quoique tatouées au visage. Très réservées, très sévères sous le rapport des mœurs, elles ne se laissent jamais voir ni pieds nus ni tête nue.

La famille fut très cordialement accueillie par les chefs iakoutes, qui sont compris sous la désignation de « kinoes », et par les anciens, les « starsynas », c’est-à-dire les notables du pays. Ces braves gens se disputèrent l’honneur de l’héberger et de la nourrir à leurs frais. Mais, après les avoir remerciés, Cornélia ne voulut faire d’acquisitions qu’en payant, entre autres, une provision de pétrole, qui devait assurer pour quelque temps l’alimentation du fourneau de cuisine.