du front, de pendants d’oreilles, de bracelets, de bijoux sculptés en os de morses, suspendus au cartilage du nez.
Et pourtant, cela n’avait pas semblé suffisant pour une telle solennité ; quelques-uns des notables de la tribu avaient jugé à propos de se parer avec plus de richesse encore, et c’étaient les divers objets volés à la Belle-Roulotte qui faisaient les frais de cette ornementation.
En effet, sans parler des costumes de saltimbanque à oripeaux et fanfreluches dont ils s’étaient revêtus, des chapeaux de clown et des casques à la Mangin dont ils étaient coiffés, les uns portaient en bandoulière une corde à laquelle pendaient les anneaux qui servaient aux exercices de jongleur, les autres balançaient à leur ceinture un chapelet de boules et d’haltères ; enfin le grand chef, Tchou-Tchouk, étalait pompeusement sur son torse un baromètre anéroïde, comme la décoration d’un ordre fraîchement créé par le souverain de la Nouvelle-Sibérie.
Et les instruments de l’orchestre forain qui mêlaient leurs notes dans un épouvantable concert, un vacarme charivarique, le piston rivalisant avec le trombone, le tambour donnant la réplique à la grosse caisse !
Cornélia était non moins furieuse que ses enfants d’entendre de si assourdissantes cacophonies. Tous eussent volontiers sifflé ces artistes qui jouaient « comme des phoques ! » de l’avis de Clou-de-Girofle.
Eh bien ! — c’était à ne pas le croire — M. Cascabel souriait à ces barbares exécutants ; il ne leur ménageait ni ses compliments ni ses hurrahs, il battait des mains, criant bravo !… bravo !… et répétait :
« Vraiment ces braves gens m’étonnent !… Ils sont particulièrement doués pour la musique, et, s’ils veulent s’engager dans ma troupe, je leur garantis de grands succès à la foire de Perm en attendant celle de Saint-Cloud ! »
Cependant, au milieu de cet horrible tumulte, la procession se déroulait à travers le village, en se dirigeant vers le lieu sacré, où