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césar cascabel.

gieuses, interrompues par les grands froids, ramenaient les fidèles à la grotte des idoles.

C’était le vendredi de chaque semaine que le concours de toute la tribu leur donnait le plus d’éclat. Les vendredis, paraît-il, sont les dimanches de la Nouvelle-Sibérie. Or, le vendredi 29 — cette année 1868 était bissextile — allait provoquer une procession générale des indigènes.

La veille au soir, M. Cascabel se contenta simplement de dire, au moment de se coucher :

« Demain, tenons-nous prêts pour la cérémonie du Vorspük, en compagnie de notre ami Chouchou…

— Quoi ?… tu veux, César ?… répondit Cornélia.

— Je veux ! »

Que signifiait cette proposition si catégoriquement formulée ? Est-ce que M. Cascabel espérait amadouer le souverain des Liakhoff en prenant part à ses adorations superstitieuses ? Certainement, Tchou-Tchouk aurait vu d’un bon œil que ses prisonniers eussent rendu hommage aux divinités du pays. Mais les adorer, embrasser la religion indigène, c’était autre chose, et il était peu probable que M. Cascabel allât jusqu’à l’apostasie pour séduire Sa Majesté néo-sibérienne !… Fi donc !

Quoi qu’il en soit, le lendemain, au lever du jour, toute la tribu était en mouvement. Temps magnifique, température qui se chiffrait par une dizaine de degrés seulement au-dessous de zéro. Et puis, il y avait déjà quatre à cinq heures de clarté diurne, avec un avant-goût des rayons solaires, dont la pointe se glissait au-dessus de l’horizon.

Les habitants étaient sortis de leurs taupinières. Hommes, femmes, enfants, vieillards, adultes, avaient revêtu leur plus bel accoutrement, houppelandes de peaux de phoque, palsk de peaux de renne, toutes fourrures dehors. C’était un étalage sans pareil de pelleteries à poils blancs ou noirs, de bonnets brodés de perles fausses, de plastrons à dispositions coloriées, de lanières de cuir serrées autour