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famille cascabel.

se faire connaître de Cornélia Vadarasse, lui faire les propositions les plus convenables en vue d’un mariage entre Français et Française, aviser un honorable clergyman qui était dans la salle, l’entraîner au foyer, et lui demander de consacrer une union si bien assortie, c’est ce qui fut fait dans cet heureux pays des États-Unis d’Amérique. Et en sont-ils moins bons, ces mariages à la vapeur ? En tout cas, celui de César Cascabel et de Cornélia Vadarasse devait être l’un des meilleurs qui eussent été célébrés en ce bas monde.

À l’époque où commence cette histoire, Mme  Cascabel avait quarante ans. Elle était de belle taille, un peu épaissie peut-être, cheveux noirs, yeux noirs, bouche souriante, toutes ses dents comme son mari. Quant à sa vigueur exceptionnelle, on avait pu en juger dans les mémorables luttes de Chicago, où elle obtint « un chignon d’honneur ». Mentionnons que Cornélia aimait encore son époux comme au premier jour, ayant une confiance inaltérable, une foi absolue, dans le génie de cet homme extraordinaire, l’un des plus remarquables types qu’ait jamais produit le pays normand.

Premier-né des garçons issus de ce mariage d’artistes forains : Jean, alors âgé de dix-neuf ans. S’il ne tenait pas de sa race pour les aptitudes aux travaux de force, aux exercices de gymnaste, de clown ou d’acrobate, il s’y rattachait par une remarquable adresse de mains et une sûreté de coup d’œil qui en faisaient un jongleur gracieux, élégant, que ses succès n’enorgueillissaient guère. C’était un être doux et pensif, brun comme sa mère, avec des yeux bleus. Studieux et réservé, il cherchait à s’instruire où et quand il le pouvait. Bien qu’il ne rougît pas de la profession de ses parents, il comprenait qu’il y avait mieux à faire que des tours en public, et ce métier, il se promettait de le quitter dès qu’il serait en France. Mais ayant pour ses père et mère une affection profonde, il se tenait à ce sujet sur une extrême réserve, et d’ailleurs, comment arriverait-il à se créer une autre situation dans le monde ?

Deuxième garçon : Ah ! celui-là, l’avant dernier-né, le contorsionnaire de la troupe, c’était bien le produit logique de l’union des