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césar cascabel.

creusés sous l’amas des neiges. Ces trous sont quelquefois divisés en chambres, où il n’est pas difficile de maintenir une assez haute température. Ce qu’on brûle, c’est ce bois fossile, qui peut être comparé à la houille, et dont ces îles possèdent des gisements considérables, sans compter les ossements de cétacés, employés également comme combustible. Une ouverture, percée dans le toit de ces troglodytes, sert d’issue à la fumée de leurs foyers très primitifs. Aussi, à première vue, le sol semble-t-il émettre des vapeurs comme il s’en échappe des solfatares.

Quant à la nourriture des indigènes, c’est principalement la chair de renne qui en forme la base. Ces ruminants sont parqués sur les îlots et les îles de l’archipel en troupes considérables. En outre, les élans entrent pour une part dans l’alimentation, de même que le poisson séché, dont on fait de grandes provisions avant l’hiver. Il résulte de là que les néo-Sibériens n’ont point à craindre d’être éprouvés par la famine.

Un chef régnait alors sur le groupe des Liakhoff. Il se nommait Tchou-Tchouk, et jouissait d’un pouvoir incontesté sur ses sujets. Soumis au régime de la monarchie absolue, ces indigènes diffèrent essentiellement des Esquimaux de l’Amérique russe, qui vivent dans une sorte d’égalité républicaine. Et ils s’en éloignent au point de vue du bien-être, avec leurs mœurs sauvages, leurs coutumes inhospitalières, dont les baleiniers ont souvent à se plaindre. Oui ! on ne les regretterait que trop, les braves gens de Port-Clarence !

Il est certain que la famille Cascabel n’aurait pu tomber plus mal. Après la catastrophe du détroit de Behring, aller précisément atterrir sur l’archipel des Liakhoff et s’y trouver en contact avec des tribus si peu sociables, c’était vraiment dépasser les bornes de la mauvaise chance.

Aussi M. Cascabel ne cachait-il point son désappointement, en se voyant entouré d’une centaine de naturels, hurlant, gesticulant, menaçant même les naufragés, que les hasards de ce voyage avaient mis en leur pouvoir.