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césar cascabel.

elle pas une indication qu’il convenait de ne point négliger ? N’y avait-il pas lieu de se demander pourquoi ces animaux s’étaient réfugiés sur cet amoncellement de roches, qui ne leur offrait aucune ressource ?

Il y eut à ce sujet une très sérieuse discussion à laquelle prirent part M. Serge, César Cascabel et son fils aîné. Ils s’étaient portés sur la partie centrale de l’îlot, tandis que les femmes s’occupaient du ménage, laissant à Clou et à Sandre le soin de pourvoir aux besoins des animaux.

Ce fut M. Serge qui provoqua cette discussion en disant :

« Mes amis, il s’agit de savoir s’il ne vaut pas mieux abandonner l’îlot Diomède, dès que l’attelage sera reposé, que d’y prolonger notre halte !…

— Monsieur Serge, répondit César Cascabel, je pense qu’il ne faut point s’attarder à jouer les Robinsons suisses sur ce rocher !… Je vous l’avoue, j’ai hâte de sentir sous mon talon un morceau de la côte sibérienne !

— Je le comprends, père, reprit Jean, et pourtant il ne convient pas non plus de s’exposer comme nous l’avons fait en nous lançant à travers le détroit. Sans cet îlot, que serions-nous devenus ? Il y a encore une dizaine de lieues jusqu’à Numana…

— Eh bien, Jean, en donnant quelques bons coups de collier, on pourrait enlever cela en deux ou trois étapes…

— Ce serait difficile, répondit Jean, même si l’état de l’ice-field le permettait !

— Je pense que Jean a raison, fit observer M. Serge. Que nous ayons hâte d’avoir traversé le détroit, cela va de soi ; mais, puisque la température s’est adoucie d’une façon si imprévue, il me semble qu’il ne serait guère prudent de quitter la terre ferme. Nous sommes partis trop tôt de Port-Clarence, tâchons de ne pas partir trop tôt de l’îlot Diomède ! Ce qui est certain, c’est que le détroit n’est pas pris avec solidité sur toute son étendue…

— Et de là viennent ces craquements que j’entendais encore hier,