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le détroit de behring.

À Numana ?… demanda Cornélia.

— Non, sur l’îlot Diomède, où nous séjournerons un jour ou deux. Notre attelage va si lentement qu’il faudra une semaine au moins pour atteindre le littoral asiatique. »

Le repas achevé, bien qu’il ne fût que cinq heures du soir, personne ne refusa d’aller prendre du repos. Toute une longue nuit à rester étendu sous les couvertures d’une bonne couchette, cela n’est pas à dédaigner, après une pénible marche à travers un champ de glace. M. Cascabel ne jugea même pas qu’il fût nécessaire de veiller à la sécurité du campement. Pas de mauvaises rencontres à craindre en pareil désert. D’ailleurs les chiens feraient bonne garde, et signaleraient les rôdeurs — s’il s’en trouvait — qui s’approcheraient de la Belle-Roulotte.

Cependant, à deux ou trois reprises, M. Serge se releva afin d’observer l’état de l’ice-field qu’un brusque changement de température pouvait toujours modifier : de ses préoccupations c’était peut-être la plus grave. Rien n’était changé à l’apparence du temps, et une petite brise de nord-est glissait à la surface du détroit.

Le lendemain, le voyage se continua dans les mêmes conditions. Il n’y eut point de difficultés, à proprement parler, sinon de la fatigue. Trois lieues furent enlevées jusqu’à l’heure du repos, et les dispositions prises comme elles l’avaient été la veille.

Le jour suivant — 23 octobre — il ne fut pas possible de partir avant neuf heures du matin et, même à ce moment, c’est à peine s’il faisait jour.

M. Serge constata que le froid était moins vif. Quelques nuages s’accumulaient en désordre à l’horizon vers le sud-est. Le thermomètre indiquait une certaine tendance à remonter, et ces parages commençaient à être envahis par les pressions faibles.

« Je n’aime pas cela, Jean ! dit M. Serge. Tant que nous serons engagés sur l’ice-field, nous ne devons pas nous plaindre, si le froid vient à s’accentuer. Malheureusement, le baromètre se met à baisser avec le vent qui tourne à l’aval. Ce que nous avons le