Et pourtant, d’après Kayette, le héron est un manger très estimé des Indiens — surtout quand ils n’ont pas autre chose à se mettre sous la dent. On en fit l’essai au déjeuner du 13 août. Malgré tout le talent de Cornélia — et l’on sait si elle cuisinait à merveille — cette chair parut dure et coriace. Elle ne fut acceptée, sans protestation, que par Wagram et Marengo, qui s’en régalèrent jusqu’au dernier os.
Il est vrai, pendant les époques de famine, les indigènes se contentent de hiboux, de faucons et même de martres ; mais c’est parce qu’ils y sont forcés, il faut en convenir.
Le 14 août, la Belle-Roulotte dut se glisser à travers les sinuosités d’une gorge plus étroite, entre des collines fort escarpées le long du fleuve. Cette fois, la passe était si raide, si cahoteuse, comme l’eût été le lit raviné d’un torrent, que, malgré toutes les précautions prises, un accident se produisit. Heureusement, ce ne fut point une des roues de la voiture qui se brisa, mais un des brancards. Aussi, la réparation ne demanda-t-elle que peu de temps, et quelques bouts de corde suffirent à remettre les choses en état.
Quand on eût dépassé d’un côté du fleuve le village de Suquongilla, et de l’autre le village de Newicargout, bâti sur le creek de ce nom, le cheminement s’effectua sans difficulté. Plus de collines. Une large plaine se développait au-delà des limites du regards. Trois ou quatre rios la sillonnaient de leurs lits entièrement desséchés en cette saison où les pluies sont rares. Dans la période des tourmentes et des neiges, il eût été impossible de maintenir cette direction à l’itinéraire.
En traversant un de ces creeks, le Milocargout, où il y avait un pied d’eau à peine, M. Cascabel fit observer qu’il était barré par une chaussée.
« Eh ! dit-il, puisque l’on a fait une chaussée en travers de ce creek, on aurait bien pu faire un pont ! C’eût été plus utile pendant les crues…
— Sans doute, père, répondit Jean. Mais les ingénieurs qui ont