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césar cascabel.

à se tordre du bon tour que jouait aux indigènes cette femme extraordinaire.

« À un autre, dit-elle, les bras toujours tendus vers l’assistance, à un autre ! »

Maintenant les Indiens hésitaient, croyant à quelque phénomène surnaturel.

Cependant le tyhi se décida, il marcha lentement vers Cornélia, il s’arrêta à deux pas de son imposante personne, il la regarda d’un air qui n’était rien moins qu’assuré.

« Allons, mon vieux ! lui cria M. Cascabel. Allons, un peu de courage !… Embrasse madame ! Ce n’est pas bien difficile, et c’est bien agréable ! »

Le tyhi, allongeant la main, se contenta de toucher le doigt de la belle Européenne.

Nouvelle secousse, hurlements du tyhi, qui faillit tomber à la renverse, et profonde stupéfaction de tout le public. Si l’on était ainsi malmené rien que pour toucher la main de Mme Cascabel, que serait-ce donc si l’on s’avisait d’embrasser cette femme prodigieuse, dont les joues « avaient reçu les baisers des plus puissants souverains de l’Europe ! »

Eh bien ! il y eut pourtant un audacieux qui voulut s’y risquer. Ce fut le magicien Fir-fu. Lui devait bien se croire à l’abri de tous les maléfices. Aussi vint-il se poser en face de Cornélia. Puis, ayant fait le tour, encouragé par les excitations des indigènes, il la prit dans ses bras et lui appliqua un formidable baiser en pleine figure.

Cette fois, ce fut une série de culbutes qui s’ensuivit. Du coup, le jongleur venait de passer acrobate ! Après deux sauts aussi périlleux qu’involontaires, il alla retomber au milieu de son groupe ahuri.

Et, pour produire cet effet sur le magicien comme sur les autres indigènes, Cornélia n’avait eu qu’à presser le bouton d’une petite pile qu’elle portait dans sa poche. Oui !… une petite pile portative, qui lui servait à « jouer les femmes électriques » !

« Ah ! femme !… femme !… s’écria son mari en la pressant impu-