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une idée de cornélia cascabel.

lorsque quelque rapide ou quelque barrage vient mettre obstacle à la navigation.

Toutefois, ces embarcations ne peuvent servir que trois mois au plus. Pendant le reste de l’année, les eaux sont emprisonnées sous une épaisse carapace glacée. Alors la baïdar change de nom et s’appelle le traîneau. Ce véhicule, dont la pointe, recourbée comme une proue d’embarcation, est maintenue par des courroies en peau d’élan, étant attelé de chiens ou de rennes, se manœuvre très rapidement. Quant aux piétons, avec leurs longues raquettes aux pieds, ils se déplacent plus vite encore.

Toujours chanceux, César Cascabel ! Il était arrivé fort à propos au fort Youkon, puisque le marché des pelleteries se trouvait en pleine activité à cette époque. Aussi plusieurs centaines d’Indiens étaient-ils campés aux environs de la factorerie.

« Du diable, s’écria-t-il, si nous n’en profitons pas ! C’est une véritable foire et n’oublions pas que nous sommes des artistes forains ! N’est-ce pas là ou jamais le cas de montrer notre savoir-faire ?… Vous n’y voyez aucun inconvénient, monsieur Serge ?…

— Aucun, mon ami, répondit M. Serge, mais je doute que vous puissiez faire de bonnes recettes !

— Bah ! elles couvriront toujours nos frais, puisque nous n’en avons pas !

— Rien de plus juste, répliqua M. Serge. Et pourtant, je vous demanderai de quelle façon vous espérez que ces braves indigènes paieront leur place, puisqu’ils n’ont ni monnaie américaine, ni monnaie russe…

— Eh bien ! ils paieront avec des peaux de rat musqué, des peaux de castor, enfin comme ils pourront ! En tout cas, ces représentations auront pour premier résultat de nous étirer un peu les muscles, car je crains toujours que nos articulations ne viennent à perdre de leur souplesse ! Comme nous avons notre réputation à soutenir à Perm, à Nijni, je ne veux pas exposer ma troupe à un fiasco, quand elle débutera sur votre terre natale… Je n’y survivrais pas, monsieur Serge ; non ! je n’y survivrais pas ! »