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césar cascabel.

Compagnie est obligée de payer une indemnité annuelle à sa rivale, la Compagnie russo-américaine.

Ce n’est qu’en 1864 que furent commencées les bâtisses actuelles, qui sont entourées d’une palissade, et elles venaient d’être seulement achevées, lorsque la famille Cascabel arriva au fort Youkon avec l’intention d’y séjourner quelques jours.

Les agents lui offrirent très volontiers l’hospitalité dans l’enceinte du fort. La place ne manquait ni dans les cours ni sous les hangars. Cependant M. Cascabel les remercia en quelques phrases pompeuses et fort obligeantes, il préférait ne point quitter sa confortable Belle-Roulotte.

Somme toute, si la garnison du fort ne comprenait qu’une vingtaine d’agents, américains pour la plupart, avec quelques Indiens à leur service, les indigènes se comptaient par centaines aux abords du Youkon.

C’est là, en effet, sur un point central de l’Alaska, que se tient le marché le plus suivi pour le trafic des pelleteries et des fourrures. Là s’agglomèrent les tribus diverses de la province, les Kotcho-a-Koutchins, les An-Koutchins, les Tatanchocks, les Tananas, et principalement ces Indiens qui composent la peuplade la plus importante de la contrée, les Co-Youkons, limitrophes du grand fleuve.

On le voit, la situation du fort est très avantageuse pour l’échange des marchandises, puisqu’il s’élève dans l’angle que forme le Youkon au confluent de la Porcupine. Là, le fleuve se subdivise en cinq canaux, qui permettent aux trafiquants de pénétrer plus facilement à l’intérieur du territoire et de commercer même avec les Esquimaux par le cours du Mackenzie.

Aussi ce réseau liquide est-il sillonné d’embarcations qui le descendent ou le remontent, surtout nombre de ces « baïdars », sortes de légers esquifs en peau huilée, dont on graisse les coutures pour les rendre plus étanches. C’est à bord de ces fragiles bateaux que les Indiens se hasardent en des trajets considérables, n’étant point gênés, d’ailleurs, de les transporter sur leurs épaules,