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césar cascabel.

M. Serge, très passionné pour cet exercice, l’accompagnait le plus souvent et, entre deux coups de fusil, que de choses on peut dire ! Ces plaines étaient très giboyeuses. Des lièvres, il y en avait de quoi nourrir tout une caravane. Et ce n’était pas uniquement au point de vue comestible qu’ils avaient leur utilité.

« Il n’y a pas là que des râbles et des salmis qui courent, ce sont aussi des manteaux, des boas, des manchons, des couvertures ! dit un jour M. Cascabel.

— En effet, mon ami, lui répondit M. Serge, et, quand ils auront figuré à l’office sous une forme, ils figureront non moins avantageusement sous l’autre dans votre garde-robe. On se saurait trop se prémunir contre les rigueurs du climat sibérien. »

C’est pourquoi on faisait provision de ces peaux, tout en économisant les conserves pour l’époque où l’hiver mettrait en fuite le gibier des contrées polaires.

Au reste, lorsque les chasseurs ne rapportaient ni perdrix, ni lièvres, Cornélia ne dédaignait pas de mettre dans le pot-au-feu un corbeau ou une corneille, à la mode indienne, et la soupe n’en était pas moins excellente.

Il arrivait ainsi que, de temps à autre, M. Serge ou Jean tiraient de leur carnier un magnifique coq de bruyère, et l’on imaginera sans peine combien ce rôti faisait bonne figure sur la table.

La Belle-Roulotte n’avait donc pas à craindre d’être éprouvée par la faim. Il est vrai, elle n’était encore engagée que dans la partie la plus facile de son aventureux itinéraire.

Un ennui, par exemple, et même une souffrance qu’il fallait supporter, c’étaient les importunités des moustiques. Maintenant que M. Cascabel n’était plus sur une terre anglaise, il les trouvait très désagréables. Et, sans doute, leur fourmillement aurait dépassé toute mesure, si les hirondelles n’en eussent fait une consommation extraordinaire. Mais ces hirondelles ne tarderaient pas à émigrer vers le sud, car il est de bien courte durée, le séjour qu’elles font sur la limite du Cercle polaire !