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de sitka au fort youkon.

— En effet, mère, ajouta Jean, tu souffriras bien autrement du froid, au-delà du détroit de Behring, quand nous traverserons les steppes de la Sibérie !

— D’accord, monsieur Serge, répondit M. Cascabel. Mais si on ne peut se défendre contre la chaleur, du moins, le feu aidant, il est possible de combattre le froid.

— Oui, certes, mon ami, répliqua M. Serge, et c’est bien ce que vous aurez à faire dans quelques mois, car le froid sera terrible, ne l’oubliez pas ! »

Cependant, à la date du 3 juillet, après avoir circulé à travers les « cañons », étroites gorges capricieusement découpées au milieu des collines de moyenne altitude, la Belle-Roulotte ne vit plus s’allonger devant elle que de longues plaines entre les forêts clairsemées de ce territoire.

Ce jour-là, elle dut côtoyer un petit lac, le lac Dease, d’où s’échappait le rio Lewes, un des principaux tributaires du bas Youkon.

Kayette, l’ayant reconnu, dit :

« Oui, c’est bien là le Cargout, qui va se jeter dans notre grand fleuve ! »

Et elle apprit à Jean qu’en langage alaskien, ce mot « cargout » signifie précisément « petite rivière ».

Pendant ce cheminement sans obstacles ni fatigues, est-ce que les artistes de la troupe Cascabel négligeaient de répéter leurs exercices, d’entretenir la force de leurs muscles, la souplesse de leurs membres, l’adresse de leurs mains ? Non certes et, à moins que la chaleur ne le permît pas, chaque campement se transformait le soir en une arène, qui avait pour uniques spectateurs M. Serge et Kayette. Tous deux admiraient alors les prouesses de cette vaillante famille, — la jeune Indienne, non sans quelque étonnement, M. Serge avec bienveillance.

Tour à tour, M. et Mme  Cascabel soulevaient des poids à bras tendus et jonglaient avec des haltères ; Sandre se retrempait dans les dislocations et contorsions dont il avait la spécialité ; Napoléone se