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césar cascabel.

toutes les fois qu’il parlait d’Ivan, ses yeux humides montraient combien sa douleur était sincère.

Il ajouta que, frappé lui-même à la poitrine, ayant perdu connaissance, il ne savait plus ce qui s’était passé jusqu’au moment où, revenu à la vie, mais sans pouvoir les remercier de leurs soins, il avait compris qu’il se trouvait chez des gens charitables.

Lorsque M. Cascabel eut fait connaître que l’attentat était attribué à Karnof ou à quelques-uns de ses complices, M. Serge n’en parut point surpris, ayant entendu dire que cette bande courait la frontière.

« Vous le voyez, dit-il en terminant, mon histoire n’a rien de curieux ; la vôtre l’est sans doute davantage. Ma campagne devait se terminer par l’exploration de l’Alaska. De là, je comptais revenir en Russie pour revoir mon père et ne plus jamais quitter le toit paternel. Maintenant, parlons de vous et, d’abord, je vous demanderai comment et pourquoi des Français se trouvent si loin de leur pays dans cette partie de l’Amérique.

— Des saltimbanques, monsieur Serge, est-ce que cela ne se promène pas partout ? répondit M. Cascabel.

— Si fait, mais je puis m’étonner de vous voir à une telle distance de la France !

— Jean, dit M. Cascabel en s’adressant à son fils aîné, raconte à M. Serge pourquoi nous sommes ici et de quelle façon nous retournons en Europe. »

Jean fit le récit des vicissitudes éprouvées par les hôtes de la Belle-Roulotte depuis le départ de Sacramento et, comme il désirait être compris de Kayette, il se servit de la langue anglaise, que M. Serge complétait en employant le langage chinouk. La jeune Indienne écoutait avec la plus vive attention. De cette façon, elle apprit ce qu’était la famille Cascabel, à laquelle elle s’était si étroitement attachée. Elle sut que les saltimbanques avaient été volés de toute leur épargne au moment où ils franchissaient le défilé de la sierra Nevada pour regagner le littoral de l’Atlantique et comment, faute d’argent, contraints de modifier leurs projets ils s’étaient décidés