Page:Verne - Autour de la Lune.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
AUTOUR DE LA LUNE.

— Je ne donnerais pas un demi-dollar pour l’apprendre ! Nous sommes déviés, voilà le fait. Où allons-nous, peu m’importe ! Nous le verrons bien. Que diable ! puisque nous sommes entraînés dans l’espace, nous finirons bien par tomber dans un centre quelconque d’attraction ! »

Cette indifférence de Michel Ardan ne pouvait contenter Barbicane. Non que celui-ci s’inquiétât de l’avenir ! Mais pourquoi son projectile avait dévié, c’est ce qu’il voulait savoir à tout prix.

Cependant le boulet continuait à se déplacer latéralement à la Lune, et avec lui le cortège d’objets jetés au-dehors. Barbicane put même constater, par des points de repère relevés sur la Lune dont la distance était inférieure à deux mille lieues, que sa vitesse devenait uniforme. Nouvelle preuve qu’il n’y avait pas chute. La force d’impulsion l’emportait encore sur l’attraction lunaire, mais la trajectoire du projectile le rapprochait certainement du disque lunaire, et l’on pouvait espérer qu’à une distance plus rapprochée, l’action de la pesanteur prédominerait et provoquerait définitivement une chute.

Les trois amis n’ayant rien de mieux à faire, continuèrent leurs observations. Cependant, ils ne pouvaient encore déterminer les dispositions topographiques du satellite. Tous ces reliefs se nivelaient sous la projection des rayons solaires.

Ils regardèrent ainsi par les vitres latérales jusqu’à huit heures du soir. La Lune avait alors tellement grossi à leurs yeux qu’elle masquait toute une moitié du firmament. Le Soleil d’un côté, l’astre des nuits de l’autre, inondaient le projectile de lumière.

En ce moment, Barbicane crut pouvoir estimer à sept cents lieues seulement la distance qui les séparait de leur but. La vitesse du projectile lui parut être de deux cents mètres par seconde, soit environ cent soixante-dix lieues à l’heure. Le culot du boulet tendait à se tourner vers la Lune sous l’influence de la force centripète ; mais la force centrifuge l’emportant toujours, il devenait probable que la trajectoire rectiligne se changerait en une courbe quelconque dont on ne pouvait déterminer la nature.

Barbicane cherchait toujours la solution de son insoluble problème.

Les heures s’écoulaient sans résultat. Le projectile se rapprochait visiblement de la Lune, mais il était visible aussi qu’il ne l’atteindrait pas. Quant à la plus courte distance à laquelle il en passerait, elle serait la résultante des deux forces, attractive et répulsive, qui sollicitaient le mobile.

« Je ne demande qu’une chose, répétait Michel : passer assez près de la Lune pour en pénétrer les secrets !