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LES FROIDS DE L’ESPACE.

— C’est à peu près, répondit Barbicane, la température qui fut observée dans les régions polaires, à l’île Melville ou au fort Reliance, soit environ cinquante-six degrés centigrades au-dessous de zéro.

— Il reste à prouver, dit Nicholl, que Fourier ne s’est pas abusé dans ses évaluations. Si je ne me trompe, un autre savant français, M. Pouillet, estime la température de l’espace à cent soixante degrés au-dessous de zéro. C’est ce que nous vérifierons.

— Pas en ce moment, répondit Barbicane, car les rayons solaires, frappant directement notre thermomètre, donneraient, au contraire, une température très-élevée. Mais lorsque nous serons arrivés sur la Lune, pendant les nuits de quinze jours que chacune de ses faces éprouve alternativement, nous aurons le loisir de faire cette expérience, car notre satellite se meut dans le vide.

— Mais qu’entends-tu par le vide ? demanda Michel, est-ce le vide absolu ?

— C’est le vide absolument privé d’air.

— Et dans lequel l’air n’est remplacé par rien ?

— Si. Par l’éther, répondit Barbicane.

— Ah ! Et qu’est-ce que l’éther ?

— L’éther, mon ami, c’est une agglomération d’atomes impondérables, qui, relativement à leurs dimensions, disent les ouvrages de physique moléculaire, sont aussi éloignés les uns des autres que les corps célestes le sont dans l’espace. Leur distance, cependant, est inférieure à un trois-millionièmes de millimètre. Ce sont ces atomes qui, par leur mouvement vibratoire, produisent la lumière et la chaleur, en faisant par seconde quatre cent trente trillions d’ondulations, n’ayant que quatre à six dix-millièmes de millimètre d’amplitude.

— Milliards de milliards ! s’écria Michel Ardan, on les a donc mesurées et comptées, ces oscillations ! Tout cela, ami Barbicane, ce sont des chiffres de savants qui épouvantent l’oreille et ne disent rien à l’esprit.

— Il faut pourtant bien chiffrer…

— Non. Il vaut mieux comparer. Un trillion ne signifie rien. Un objet de comparaison dit tout. Exemple : Quand tu m’auras répété que le volume d’Uranus est soixante-seize fois plus gros que celui de la Terre, le volume de Saturne neuf cents fois plus gros, le volume de Jupiter treize cents fois plus gros, le volume du Soleil treize cent mille fois plus gros, je n’en serai pas beaucoup plus avancé. Aussi, je préfère, et de beaucoup, ces vieilles comparaisons du Double Liégeois qui vous dit tous bêtement : Le Soleil, c’est une citrouille de deux pieds de diamètre, Jupiter, une orange, Saturne, une pomme d’api, Neptune, une guigne, Uranus,