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LES FROIDS DE L’ESPACE.

Barbicane et Nicholl ne purent s’empêcher de rire à cette réflexion saugrenue. Mais un cri de leur joyeux compagnon les arrêta. Celui-ci s’était courbé vers la niche de Satellite et se relevait en disant :

« Bon ! Satellite n’est plus malade.

— Ah ! fit Nicholl.

— Non, reprit Michel, il est mort. Voilà, ajouta-t-il d’un ton piteux, voilà qui sera embarrassant. Je crains, ma pauvre Diane, que tu ne fasses pas souche dans les régions lunaires ! »

En effet, l’infortuné Satellite n’avait pu survivre à sa blessure. Il était mort et bien mort. Michel Ardan très-décontenancé, regardait ses amis.

« Il se présente une question, dit Barbicane. Nous ne pouvons garder avec nous le cadavre de ce chien pendant quarante-huit heures encore.

— Non, sans doute, répondit Nicholl, mais nos hublots sont fixés par des charnières. Ils peuvent se rabattre. Nous ouvrirons l’un des deux et nous jetterons ce corps dans l’espace. »

Le président réfléchit pendant quelques instants, et dit :

« Oui, il faudra procéder ainsi, mais en prenant les plus minutieuses précautions.

— Pourquoi ? demanda Michel.

— Pour deux raisons que tu vas comprendre, répondit Barbicane. La première est relative à l’air renfermé dans le projectile, et dont il ne faut perdre que le moins possible.

— Mais puisque nous le refaisons, cet air !

— En partie seulement. Nous ne refaisons que l’oxygène, mon brave Michel, — et à ce propos veillons bien à ce que l’appareil ne fournisse pas cet oxygène en quantité immodérée, car cet excès amènerait en nous des troubles physiologiques très-graves. Mais si nous refaisons l’oxygène, nous ne refaisons pas l’azote, ce véhicule que les poumons n’absorbent pas et qui doit demeurer intact. Or, cet azote s’échapperait rapidement par les hublots ouverts.

— Oh ! le temps de jeter ce pauvre Satellite, dit Michel.

— D’accord, mais agissons rapidement.

— Et la seconde raison ? demanda Michel.

— La seconde raison, c’est qu’il ne faut pas laisser le froid extérieur, qui est excessif, pénétrer dans le projectile, sous peine d’être gelés vivants.

— Cependant, le Soleil…

— Le Soleil échauffe notre projectile qui absorbe ses rayons, mais il n’échauffe pas le vide où nous flottons en ce moment. Où il n’y a pas d’air, il n’y a pas plus de chaleur que de lumière diffuse, et de même qu’il fait