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AUTOUR DE LA LUNE.

velle. Avant six heures du soir, les divers États de l’Union apprenaient la suprême catastrophe. Après minuit, par le câble, l’Europe entière savait le résultat de la grande tentative américaine.

On renoncera à peindre l’effet produit dans le monde entier par ce dénouement inattendu.

Au reçu de la dépêche, le secrétaire de la Marine télégraphia à la Susquehanna l’ordre d’attendre dans la baie de San Francisco, sans éteindre ses feux. Jour et nuit, elle devait être prête à prendre la mer.

L’Observatoire de Cambridge se réunit en séance extraordinaire, et, avec cette sérénité qui distingue les corps savants, il discuta paisiblement le point scientifique de la question.

Au Gun-Club, il y eut explosion. Tous les artilleurs étaient réunis. Précisément, le vice-président, l’honorable Wilcome, lisait cette dépêche prématurée, par laquelle J.-T. Maston et Belfast annonçaient que le projectile venait d’être aperçu dans le gigantesque réflecteur de Long’s-Peak. Cette communication portait, en outre, que le boulet, retenu par l’attraction de la Lune, jouait le rôle de sous-satellite dans le monde solaire.

On connaît maintenant la vérité sur ce point.

Cependant, à l’arrivée de la dépêche de Blomsberry, qui contredisait si formellement le télégramme de J.-T. Maston, deux partis se formèrent dans le sein du Gun-Club. D’un côté, le parti des gens qui admettaient la chute du projectile, et par conséquent le retour des voyageurs. De l’autre, le parti de ceux qui, s’en tenant aux observations de Long’s-Peak, concluaient à l’erreur du commandant de la Susquehanna. Pour ces derniers, le prétendu projectile n’était qu’un bolide, rien qu’un bolide, un globe filant qui, dans sa chute, avait fracassé l’avant de la corvette. On ne savait trop que répondre à leur argumentation, car la vitesse dont il était animé avait dû rendre très-difficile l’observation de ce mobile. Le commandant de la Susquehanna et ses officiers avaient certainement pu se tromper de bonne foi. Un argument, néanmoins, militait en leur faveur : c’est que, si le projectile était tombé sur la Terre, sa rencontre avec le sphéroïde terrestre n’avait pu s’opérer que sur ce vingt-septième degré de latitude nord, et, — en tenant compte du temps écoulé et du mouvement de rotation de la Terre, — entre le quarante et unième et le quarante-deuxième degré de longitude ouest.

Quoi qu’il en soit, il fut décidé à l’unanimité, dans le Gun-Club, que Blomsberry frère, Bilsby et le major Elphiston gagneraient sans retard San Francisco, et aviseraient au moyen de retirer le projectile des profondeurs de l’Océan.

Ces hommes dévoués partirent sans perdre un instant, et le rail-road,