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AUTOUR DE LA LUNE.

les faits nouvellement observés, décide à l’unanimité des voix sur la question de l’habitabilité actuelle de la Lune : Non, la Lune n’est pas habitable. »

Cette décision fut consignée par le président Barbicane sur son carnet de notes où figure le procès-verbal de la séance du 6 décembre.

« Maintenant, dit Nicholl, attaquons la seconde question, complément indispensable de la première. Je demanderai donc à l’honorable Commission : Si la Lune n’est pas habitable, a-t-elle été habitée ?

— Le citoyen Barbicane a la parole, dit Michel Ardan.

— Mes amis, répondit Barbicane, je n’ai pas attendu ce voyage pour me faire une opinion sur cette habitabilité passée de notre satellite. J’ajouterai que nos observations personnelles ne peuvent que me confirmer dans cette opinion. Je crois, j’affirme même que la Lune a été habitée par une race humaine organisée comme la nôtre, qu’elle a produit des animaux conformés anatomiquement comme les animaux terrestres, mais j’ajoute que ces races humaines ou animales ont fait leur temps, et qu’elles sont à jamais éteintes !

— Alors, demanda Michel, la Lune serait donc un monde plus vieux que la Terre ?

— Non, répondit Barbicane avec conviction, mais un monde qui a vieilli plus vite, et dont la formation et la déformation ont été plus rapides. Relativement, les forces organisatrices de la matière ont été beaucoup plus violentes à l’intérieur de la Lune qu’à l’intérieur du globe terrestre. L’état actuel de ce disque crevassé, tourmenté, boursouflé, le prouve surabondamment. La Lune et la Terre n’ont été que des masses gazeuses à leur origine. Ces gaz sont passés à l’état liquide sous diverses influences, et la masse solide s’est formée plus tard. Mais très-certainement, notre sphéroïde était gazeux ou liquide encore, que la Lune, déjà solidifiée par le refroidissement, devenait habitable.

— Je le crois, dit Nicholl.

— Alors, reprit Barbicane, une atmosphère l’entourait. Les eaux, contenues par cette enveloppe gazeuse, ne pouvaient s’évaporer. Sous l’influence de l’air, de l’eau, de la lumière, de la chaleur solaire, de la chaleur centrale, la végétation s’emparait des continents préparés à la recevoir, et certainement la vie se manifesta vers cette époque, car la nature ne se dépense pas en inutilités, et un monde si merveilleusement habitable a dû être nécessairement habité.

— Cependant, répondit Nicholl, bien des phénomènes inhérents aux mouvements de notre satellite devaient gêner l’expansion des règnes végétal et animal. Ces jours et ces nuits de trois cent cinquante-quatre heures par exemple ?