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AUTOUR DE LA LUNE.

« Et maintenant, mes chers compagnons, dit Michel Ardan, faisons comme chez nous. Je suis homme d’intérieur, moi, et très-fort sur l’article ménage. Il s’agit de tirer le meilleur parti possible de notre nouveau logement et d’y trouver nos aises. Et d’abord, tâchons d’y voir un peu plus clair. Que diable ! le gaz n’a pas été inventé pour les taupes ! »

Ce disant, l’insouciant garçon fit jaillir la flamme d’une allumette qu’il frotta à la semelle de sa botte ; puis, il l’approcha du bec fixé au récipient, dans lequel l’hydrogène carboné, emmagasiné à une haute pression, pouvait suffire à l’éclairage et au chauffage du boulet pendant cent quarante-quatre heures, soit six jours et six nuits.

Le gaz s’alluma. Le projectile, ainsi éclairé, apparut comme une chambre confortable, capitonnée à ses parois, meublée de divans circulaires, et dont la voûte s’arrondissait en forme de dôme.

Les objets qu’elle renfermait, armes, instruments, ustensiles, solidement saisis et maintenus contre les rondeurs du capiton, devaient supporter impunément le choc du départ. Toutes les précautions humainement possibles avaient été prises pour mener à bonne fin une si téméraire tentative.

Michel Ardan examina tout et se déclara fort satisfait de son installation.

« C’est une prison, dit-il, mais une prison qui voyage, et avec le droit de mettre le nez à la fenêtre, je ferais bien un bail de cent ans ! Tu souris Barbicane ? As-tu donc une arrière-pensée ? Te dis-tu que cette prison pourrait être notre tombeau ? Tombeau, soit, mais je ne le changerais pas pour celui de Mahomet qui flotte dans l’espace et ne marche pas ! »

Pendant que Michel Ardan parlait ainsi, Barbicane et Nicholl faisaient leurs derniers préparatifs.

Le chronomètre de Nicholl marquait dix heures vingt minutes du soir lorsque les trois voyageurs se furent définitivement murés dans leur boulet. Ce chronomètre était réglé à un dixième de seconde près sur celui de l’ingénieur Murchison. Barbicane le consulta.

« Mes amis, dit-il, il est dix heures vingt. À dix heures quarante-sept, Murchison lancera l’étincelle électrique sur le fil qui communique avec la charge de la Columbiad. À ce moment précis, nous quitterons notre sphéroïde. Nous avons donc encore vingt-sept minutes à rester sur la terre.

— Vingt-six minutes et treize secondes, répondit le méthodique Nicholl.

— Eh bien, s’écria Michel Ardan d’un ton de belle humeur, en vingt-six minutes, on fait bien des choses ! On peut discuter les plus graves ques-