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l’épave du cynthia.

Vanda, sérieuse et attristée. En lisant la tendresse et l’inquiétude sur toutes ces physionomies, Erik sentit son cœur se fondre, comme on dit. Il revint subitement au sentiment de sa situation, revit toute la scène telle que le père venait de la lui conter — ce berceau abandonné à la merci des vagues, recueilli par un rude pêcheur et simplement apporté à sa femme, ces gens, humbles et pauvres comme ils étaient, n’hésitant pas à garder l’enfant étranger, l’adoptant, le chérissant à l’égal de leur propre fils —, ne lui parlant même pas de ces choses pendant quatorze ans, et, à cette heure, suspendus à ses lèvres comme s’ils attendaient un verdict de vie ou de mort.

Tout cela le remua si profondément, que soudain ses larmes coulèrent. Un sentiment irrésistible de reconnaissance et d’amour étreignit tout son être. Il éprouva une sorte de soif de se dévouer, lui aussi, de rendre à ces bons êtres un peu de cette tendresse aveugle qu’ils lui témoignaient, en refusant de les quitter, en s’attachant pour jamais à eux et à Noroë, en se contentant de leur humble condition !

« Mère, dit-il — et il se jeta dans les bras de Katrina —, pensez-vous que je puisse hésiter, maintenant que je sais tout ?… Nous écrirons au docteur pour le remercier de ses bontés et lui dire que je reste !… Je serai pêcheur comme vous, mon père, comme toi, Otto !… Puisque vous m’avez fait une place à votre foyer, je demande à la