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jusqu’à ce jour exercée dans la maison, soit qu’elle gardât rancune à Erik des sarcasmes, pourtant fort anodins, que ses airs de princesse avait inspirés au docteur, elle persistait à traiter le nouveau venu avec une froideur dédaigneuse, dont aucune prévenance ne parvenait à triompher. Les occasions de déployer ces dédains se trouvaient heureusement assez rares, Erik étant toujours dehors ou enfermé dans sa chambrette.

Les choses suivaient donc un cours des plus paisibles, et le temps s’écoulait sans incidents notables. On en profitera pour franchir avec le lecteur un intervalle de deux années et le ramener à Noroë.

Noël revenait pour la seconde fois depuis le départ d’Erik. C’est dans toute l’Europe centrale et septentrionale la grande fête annuelle, parce qu’elle coïncide avec la morte saison de presque toutes les industries. En Norvège spécialement on prolonge cette fête pendant treize jours, tretten Yule dage (les treize jours de Noël), et l’on en fait l’occasion de réjouissances exceptionnelles. C’est le moment des réunions de famille, des dîners et même des fiançailles. Les provisions s’entassent dans les plus humbles demeures. Partout l’hospitalité la plus large est à l’ordre du jour. La Yule öl ou bière de Noël coule à pleins bords. Tout visiteur s’en voit offrir une rasade dans la coupe de bois montée en or, en argent ou en cuivre que les familles, même les plus modestes, se trans-